Anonymat du don de gamètes : «Il est difficile de se construire sans connaître ses véritables origines»

Publié le 26 Juil, 2018

« A qui est-ce que je ressemble? », se demandent souvent les personnes issues de don de sperme. Marion Tièche, psychologue spécialisée dans l’adoption et la procréation médicalement assistée, explique l’importance, d’un point de vue psychologique, de connaître ses origines. « Jadis, on ne disait pas systématiquement aux enfants qu’ils avaient été adoptés pour éviter de les perturber inutilement. Beaucoup ressentaient toutefois un malaise, sans pouvoir en identifier la cause ». S’ensuivent alors « de la frustration, un sentiment d’injustice ou de la colère envers leurs parents ». Le besoin de chaque individu de savoir d’où il vient est « connu et reconnu » selon la psychologue. Les personnes issues de don anonyme « ont souvent l’impression qu’une pièce manque à leur puzzle et qu’elles ont du mal à se construire sur ce vide ». La question de la ressemblance revient aussi souvent, pointe Marion Tièche « à qui est-ce que je ressemble? », se demandent-elles indéfiniment.

 

«Il est difficile de se construire sans connaître ses véritables origines», témoigne Stéphanie, une jeune femme franco-suisse, née d’un don issu d’une banque de sperme de Berne. A l’époque pas question de dévoiler l’identité du donneur et les parents étaient fortement incités à ne pas toucher un seul mot aux enfants des conditions de leur conception. « Malgré cela, je ressentais un malaise. J’ai toujours eu l’impression qu’on me cachait quelque chose », explique la jeune femme. Elle n’a découvert la vérité qu’à 35 ans, ce fut alors « un choc mais aussi un soulagement de comprendre enfin la cause de son mal-être ».

 

« J’ai alors ressenti le besoin de savoir à qui je ressemblais », explique celle qui se met alors en quête de son père. La banque suisse n’ayant conservé aucune information sur son donneur, c’est un site américain de profils ADN qui lui a permis de retrouver deux demi-frères. Grand moment d’émotion, mais qui ne lui permet pas de retrouver la trace de son père.

 

Ne pas informer un enfant de l’identité de son père contrevient à la Convention relative aux droits de l’enfant. « Les articles 7 et 8 de celle-ci garantissent à tout individu le droit de connaître ses parents, dans la mesure du possible, et d’avoir accès aux éléments constitutifs de son identité, soit sa nationalité, son nom et ses relations familiales ». Mia Dambach, directrice du Service Social International (SSI) basé à Genève, estime que les lois internationales ne protègent pas assez les enfants. « Le don de sperme est devenu un marché commercial[1], auquel la création de l’enfant est soumise. (…) En Asie, le sperme de donneurs décédés est parfois utilisé. Dans d’autres pays, on peut choisir jusqu’à la couleur des yeux de l’enfant. Est-ce vraiment éthique ? (…) Il n’y a pas de droit à avoir un enfant. Par contre, l’enfant a le droit de naître dans la dignité ». Le Conseil de l’Europe a lancé une étude sur l’opportunité d’interdire le don de sperme anonyme.

 

Pour aller plus loin :

La Cour européenne des droits de l’homme intervient dans le débat sur l’accès aux origines des enfants nés d’un don de gamètes

Elle offre une récompense à celui qui l’aidera à retrouver son père biologique

Connaître ses parents biologiques : « condition sine qua non pour savoir qui on est complètement »

Droit aux origines : née sous X, « je suis une île à la dérive au milieu d’un océan »

Né d’un don de sperme, il retrouve son géniteur par généalogie génétique

Les technologies de reproduction et la recherche sur les embryons ont transformé les gamètes en produits commercialisables

 

 

 

 

 

Swiss Info, Katy Romy (25/07/2018)

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