Fin de vie : « Aidez-nous à sauvegarder les valeurs du soin »

27 Mai, 2024

Le 27 mai, l’examen du projet de loi sur la fin de vie en séance publique commence à l’Assemblée nationale. Dans une tribune publiée par le Figaro, 23 organisations de soignants[1] exhortent les députés à ne pas adopter un texte qui « pourrait radicalement modifier l’accompagnement des personnes en fin de vie, les pratiques soignantes et les représentations collectives du soin » (cf. Euthanasie ou suicide assisté : « une brèche dans un rempart de sagesse »).

Ils dénoncent un projet de loi « en rupture profonde avec les réalités » qu’ils vivent au quotidien, et « en grand décalage avec les promesses faites ces derniers mois » (cf. Projet de loi sur la fin de vie : « une voie pavée de tromperies »).

« Donner la mort devient “un soin” »

« Le projet adopté par la commission spéciale est un modèle dont l’objectif, assumé par les votants, est la possibilité d’accéder à la mort provoquée, assistée par des soignants, dans les situations médicales les plus larges y compris celles qui laissent espérer plusieurs années de vie » soulignent les professionnels de santé (cf. La Commission spéciale adopte l’« aide à mourir », sans la conditionner à un pronostic vital engagé). On est loin de la « loi d’exception ».

Alors que les critères d’éligibilité prévus par le texte actuels sont « larges et flous », « donner la mort devient “un soin” et le choix de l’euthanasie ou du suicide assisté est laissé à la personne sans considération des conditions familiales, sociales ou financières de ce choix ».

En outre, la procédure sera « expéditive », et non « encadrée ». Il suffira d’une demande orale, sans témoin, devant « un médecin » pour obtenir la mort. Des proches pourront par ailleurs pratiquer le geste létal, ce qu’aucun autre pays n’a envisagé, soulignent les professionnels de santé (cf. Fin de vie : « nul pays au monde ne prévoit un tel laxisme qui ouvre la porte à toutes les transgressions imaginables »).

Une vision profondément individualiste et libertaire de notre société 

« Le projet de loi qui vous est proposé répond à une vision profondément individualiste et libertaire de notre société » alertent les soignants. Il ne correspond pas à la « loi de fraternité » évoquée (cf. Suicide : ne dévoyons pas « le sens de la fraternité, au nom d’une liberté mal comprise »). « En autorisant la mort provoquée comme réponse à la souffrance, il constitue une incitation implicite à demander la mort pour les personnes âgées, vulnérables, précaires, isolées, celles-là mêmes que la loi est supposée protéger ». « Il pourrait être plus facile d’obtenir une réponse à une demande de mort qu’à des soins dignes d’une démocratie » s’offusquent-ils.

Les repères éthiques fondamentaux sont balayés alors que la ministre de la Santé parlait d’« équilibre » (cf. Fin de vie : Catherine Vautrin, première auditionnée de la commission spéciale). « Les valeurs du soin sont dévoyées en leur essence même puisqu’on nous propose de renoncer à chercher toujours la voie du soulagement » dénonce le collectif de soignants (cf. Projet de loi sur la fin de vie : « une rupture profonde dans ce qu’est l’éthique de l’engagement soignant »).

« Ce texte instaure une profonde fracture »

Loin d’un « modèle français », la seule « exception française » se trouve dans la coercition créée par le projet de loi pour les pharmaciens (cf. « Aide à mourir » : « Un même acte, actuellement puni jusqu’à 30 ans de prison, deviendrait une obligation pour les pharmaciens »), les établissements sanitaires et  médico-sociaux, et les soignants. « Le “délit d’entrave” viendra les réduire au rôle de prestataires de services, désarmés face aux demandes de mort » dénoncent-ils.

« Ce texte instaure une profonde fracture » alertent les signataires. « Il va faire peser sur les personnes les plus vulnérables une pression considérable » (cf. Fin de vie : attention au message envoyé aux personnes vulnérables). « Ce que nous prédisions depuis des mois s’est réalisé en quelques jours » déplorent-ils. En effet, sans attendre les débats en première lecture à l’Assemblée nationale, les « conditions strictes » ont disparu.

« Les soignants sont en état de stress prétraumatique et le gouvernement reste sourd à nos alertes » s’offusque Claire Fourcade (cf. Projet de loi fin de vie : les soignants ont l’impression de se « faire marcher dessus »). « Aidez-nous à sauvegarder les valeurs du soin, elles sont les valeurs de demain » exhortent les 23 organisations de soignants.

 

[1] 2SPP : Société française de soins palliatifs pédiatriques ; AFSOS : Association francophone des soins oncologiques de support ; ANCIIM : Association nationale des cadres de santé ; ANFIPA : Association nationale française des infirmier.e.s en pratique avancée ; APPI : Association de promotion de la profession infirmière ; CLAROMED : Association pour la clarification du rôle du médecin dans le contexte des fins de vie ; CNPG : Collège national professionnel de gériatrie ; CNPAS : Conseil national professionnel des aides-soignants ; FFIDEC : Fédération française des infirmières diplômées d’État coordinatrices ; FFAMCO : Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en Ehpad ; FNEHAD : Fédération nationale des établissements d’hospitalisation domicile ; M3P : Association des psychologues cliniciens et psychologues psychothérapeutes ; MCOOR : Association nationale des médecins coordonnateurs en Ehpad et du secteur médico-social ; SFAP : Société française d’accompagnement et de soins palliatifs ; SFC : Société française du cancer ; SFGG : Société française de gériatrie et gérontologie ; SNPI : Syndicat national des professionnels infirmiers ; Convergence infirmière : Syndicat national d’infirmières libérales psychothérapeutes ; SFP : Société française de pédiatrie ; SMP : Société médico-psychologique ; SNGC : Syndicat national de gérontologie clinique ; SFNDT : Société française de néphrologie dialyse transplantation ; UFML : Union française pour une médecine libre

 

Source : Le Figaro (27/05/2024) – Photo : iStock

 

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