Le 3 juillet, des lignes directrices constituant « le premier code de bonnes pratiques pour l’utilisation de modèles embryonnaires à partir de cellules souches [1] » ont été publiées au Royaume-Uni [2]. Le code n’a pas valeur législative. En outre « étant donné le rythme rapide de la recherche utilisant des modèles d’embryons, le code sera révisé régulièrement », indiquent d’ores et déjà ses rédacteurs [3] (cf. « Embryons de synthèse » humains : les annonces se multiplient ; « Embryoïde-heX » : reproduire les premiers stades de la production de sang ; Un « embryon de synthèse » fabrique sa membrane basale).
Des recommandations extrêmement souples
Le code « reconnaît qu’il doit y avoir une limite à la durée de culture des modèles d’embryons en laboratoire ». Mais il se refuse à poser une limite. « De nombreux types différents de modèles d’embryons sont développés, représentant des stades de développement distincts et se développant à des rythmes différents, ce qui rend impossible l’imposition d’une limite fixe unique », tentent de justifier les scientifiques. « Il est donc impossible d’imposer une limite fixe unique. » Dès lors, le document se borne à inviter les chercheurs « à justifier clairement la durée de leurs expériences au cas par cas ». Un « comité de surveillance spécialisé » sera chargé d’examiner chaque projet de recherche proposé.
Le code interdit de transférer tout « embryon de synthèse » humain « dans l’utérus d’un être humain ou d’un animal », ou de « le laisser se développer en laboratoire pour devenir un organisme viable ». Pourtant, un « embryon de synthèse » n’est-il un pas un « organisme viable » ? Les scientifiques, arguant que ces embryons ne sont pas issus de la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde, mais de cellules souches, considèrent qu’ils ne pourraient pas aboutir à la naissance d’un enfant. Les chercheurs ont pourtant clairement cet objectif chez l’animal. Ce qui pourrait être obtenu chez les bovins serait impossible chez l’être humain ? (cf. Des scientifiques veulent faire naitre des veaux issus d’« embryons de synthèse »; Embryons de synthèse bovins : le double langage des chercheurs).
L’hubris des chercheurs
« Les modèles embryonnaires ont un potentiel énorme et nous voulons l’exploiter, tout en limitant les risques », déclare Kathy Niakan, professeur de physiologie de la reproduction à l’université de Cambridge, et membre du groupe de travail qui a abouti au code. « Le nouveau code de bonnes pratiques prévoit des processus de prise de décision pour la recherche utilisant des modèles d’embryons à partir de cellules souches, afin que les scientifiques puissent progresser avec assurance, tout en préservant la confiance du public dans ce domaine vital de la recherche », poursuit-elle.
« Nous sommes convaincus que le code permettra au Royaume-Uni de rester à la pointe de la recherche mondiale sur le développement humain précoce, tout en garantissant la solidité éthique de cette recherche », abonde le professeur Roger Sturmey, professeur de médecine de la reproduction à la Hull York Medical School et président du groupe de travail. Les scientifiques ne s’en cachent pas, il s’agit de ne pas trop entraver la recherche.
Une façon supplémentaire de faire de la recherche sur l’embryon
« La recherche utilisant des modèles d’embryons peut améliorer les connaissances sur le développement humain, y compris les pertes de grossesse précoces et les problèmes liés à la grossesse, les anomalies congénitales et les événements précurseurs qui affectent la santé chez l’adulte. » L’argument est éculé : justifier les moyens par la fin.
« Les modèles pourraient également être utilisés pour certaines recherches qui ne sont pas autorisées avec des embryons humains », indiquent les scientifiques. Toutefois, ils considèrent que la recherche sur les « embryons de synthèse » pourra « compléter – mais non remplacer » les études possibles avec des « embryons humains réels ». Le code de bonnes pratiques stipule d’ailleurs qu’« aucun de ces domaines de recherche ne peut ou ne doit remplacer l’autre dans un avenir proche ».
Ainsi, il s’agit de contourner l’interdit de création d’embryons pour la recherche et le cadre actuel de la recherche sur l’embryon, tout en continuant d’exploiter le « stock » des embryons surnuméraires. L’embryon n’a pas fini d’être un matériau de laboratoire (cf. Recherche sur l’embryon : pour quoi ?).
[1] Stem cell-based embryo models (SCBEMs)
[2] Medical Xpress, UK issues guidelines for use of stem cell-based embryo models in research, University of Cambridge (03/07/2024)
[3] Le groupe de travail sur le code de bonnes pratiques SCBEM était composé de chercheurs et de praticiens d’institutions de tout le Royaume-Uni, y compris des experts en science, en droit, en éthique et en réglementation. Lors de l’élaboration du code, l’équipe a « largement » consulté les chercheurs, les praticiens et les principaux bailleurs de fonds et régulateurs de la recherche, « tant au Royaume-Uni qu’à l’étranger ».
Les travaux ont également été alimentés par un « dialogue public », organisé au début de l’année, visant à explorer les attitudes du public à l’égard de la recherche impliquant des « modèles d’embryons » (cf. Recherche sur l’embryon : la population britannique refuse son blanc-seing).