Le 17 juillet 2024, le Conseil d’Etat (CE) a tranché un double litige opposant la Fondation Jérôme Lejeune à l’Agence de la biomédecine (ABM). Cet arrêt annule définitivement deux autorisations illégales de recherche sur l’embryon humain.
Rappel à l’ordre de l’ABM
Les deux affaires posaient la même question de droit. Il y a 5 ans, l’ABM avait autorisé deux projets de recherche sur l’embryon humain, alors que le centre hospitalier qui en était chargé ne disposait pas d’une autorisation de conservation adéquate, spécifique pour la recherche. Le législateur avait pourtant distingué dans le Code de la santé publique la conservation d’embryons à des fins « d’activités biologiques d’Assistance médicale à la procréation (AMP) », sous la responsabilité de l’ARS, et la conservation des embryons à des fins de recherche, sous la responsabilité de l’ABM. C’est sur ce point que le Conseil d’Etat a rappelé à l’ordre l’ABM, à qui « il revient […] de vérifier que l’autorisation de conservation, qui ne peut être délivrée que par elle-même, […] est en cours de validité ». Les dispositions légales relatives à l’AMP « ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de déroger à l’obligation […] de solliciter et d’obtenir […] une autorisation [de conservation] délivrée par l’Agence de la biomédecine ».
Sixième fois
En autorisant ces projets de recherche, sans délivrer d’autorisation de conservation propre à la recherche, l’ABM a fait fi des dispositions législatives en vigueur (cf. Embryons génétiquement modifiés : le Conseil d’Etat désavoue l’ABM).
Cette négligence est préoccupante de la part de l’Agence de la biomédecine, chargée de veiller au strict respect des conditions encadrant la recherche sur l’embryon. Dans ces deux protocoles, la destruction de plus d’un millier d’embryons humains était en jeu. C’est la sixième fois que la juridiction suprême confirme l’illégalité des autorisations de l’ABM, sans compter les autres procédures en cours dans lesquelles Tribunal administratif et Cour administrative d’appel pointent eux aussi le non-respect du cadre légal (cf. Bioéthique : « Non seulement la loi n’est pas respectée, mais sa transgression sert d’argument pour obtenir son évolution » ; Recherche sur l’embryon humain : une autorisation de l’ABM annulée pour ne pas avoir donné la priorité à la recherche sur l’animal)
« Repenser comment protéger l’humain »
L’intérêt à agir de la Fondation Jérôme Lejeune avait été reconnu en 2014 par les tribunaux, au motif qu’elle finance la recherche scientifique tout en veillant au respect de l’embryon humain. En 30 ans, elle a en effet investi près de 75 millions d’euros dans la recherche sur les maladies génétiques de l’intelligence, dont elle est le premier financeur en Europe, et premier financeur privé dans le monde.
« Cet arrêt est rendu au moment du 30e anniversaire des premières lois de bioéthique » précise Jean-Marie Le Méné, Président de la Fondation Jérôme Lejeune (cf. [Infographie] : ce que contient la loi de bioéthique 2021). « Cela doit nous faire réfléchir. En trente ans, la France a accepté un basculement éthique à 180° en permettant la manipulation du vivant, dans une surenchère technicienne qui semble sans limite. Le temps est venu de s’interroger collectivement et de repenser comment protéger l’humain, notamment dans sa plus simple, mais incontestable forme, qui est celle de l’embryon » (cf. Loi de bioéthique et recherche sur l’embryon : le législateur va-t-il réguler ou régulariser ?).