Etats-Unis : l’avortement, un enjeu des présidentielles

Publié le 16 Oct, 2024

Le 24 juin 2022, la Cour suprême des Etats-Unis annulait l’arrêt fédéral Roe vs Wade, qui garantissait depuis 1973 le « droit » d’avorter sur tout le territoire. Ainsi, chaque Etat est libre de déterminer sa propre politique sur l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (cf. Etats-Unis : la Cour suprême met fin au “droit à l’avortement”).

Plusieurs d’entre eux ont ainsi fait le choix de restreindre l’accès à l’IVG au cas où la santé ou la vie de la femme est en danger. C’est le cas de la Louisiane, du Texas ou encore de l’Oklahoma. D’autres l’étendent aux de cas de viol ou d’inceste comme dans le Dakota du Nord. D’autres, au contraire, n’en restreignent pas l’accès, tels que l’Etat de Washington ou du Michigan. Aux quatre coins du pays, ces législations font l’objet d’une bataille judiciaire quasi-permanente.

Des décisions pour réduire les avortements

Ces derniers mois, de nouvelles décisions ont été prises. Ainsi, l’Iowa interdit les avortements dès 6 semaines de grossesse, contre 20 semaines auparavant [1]. Cette loi est entrée en vigueur le 29 juillet dernier. La limite de 6 semaines correspond à la possibilité de détecter le rythme cardiaque de l’enfant à naître. L’Iowa impose en outre une période d’attente de 24 heures entre la consultation initiale et l’avortement. « Il n’y a pas de droit plus sacré que la vie », a déclaré le gouverneur de l’Etat, Kim Reynolds. « Je suis heureux que la Cour suprême de l’Iowa ait confirmé la volonté du peuple de l’Iowa. » (cf. Avortement : la décision de la Cour suprême entre réactions et interprétations) Face à cette décision, deux gouverneurs d’Etats démocrates limitrophes de l’Iowa, l’Illinois et le Minnesota, proposent leurs Etats comme « refuges » aux femmes qui souhaitent avorter [2].

Le 11 septembre, un juge de l’Indiana a refusé d’élargir l’exception médicale à l’interdiction quasi-totale de l’avortement dans l’Etat [3]. En effet, cet Etat n’autorise l’avortement que lorsqu’il existe un « risque grave » pour la santé de la femme, le « risque grave » étant défini comme « un risque grave de déficience physique substantielle et irréversible d’une fonction corporelle majeure ». Le Planned Parenthood et d’autres fournisseurs d’avortements souhaitaient que l’exception à l’interdiction d’avortement en vigueur dans l’Etat de l’Indiana englobe également le fait d’avorter dans le cas d’un « état de santé nécessitant un traitement qui mettrait en danger le fœtus, provoque des symptômes débilitants pendant la grossesse, ou est susceptible de mettre la vie de la mère en danger ou de causer des dommages durables sur sa santé ». Le juge a estimé que les requérants n’avaient pas apporté la preuve d’une violation du droit des femmes garantis par la Constitution de l’Etat.

D’autres pour en élargir toujours plus l’accès

Parallèlement, d’autres Etats américains prennent le chemin opposé. Il en va ainsi de l’Arizona où l’abrogation de la loi interdisant la quasi-totalité des avortements est entrée en vigueur le 14 septembre [4]. Dans le Montana, le 14 août, la Cour suprême a supprimé le besoin pour les mineures d’obtenir l’autorisation de leurs parents pour subir un avortement [5]. Une décision qui confirme celle d’un tribunal inférieur qui avait considéré que « la loi sur le consentement parental violait la clause de protection de la vie privée de la Constitution de l’Etat ». Un mois plus tard, le 18 septembre, un juge fédéral a « temporairement » empêché le Tennessee d’appliquer une loi interdisant d’« aider les mineures à se faire avorter sans l’autorisation de leurs parents » [6].

Dans l’Alaska, c’est une loi interdisant aux infirmiers praticiens et aux auxiliaires médicaux « qualifiés » de pratiquer des avortements qui a été annulée le 4 septembre [7]. Le texte était contesté par une filiale du Planned Parenthood. La juge Josie Garton a estimé que la loi violait les droits des citoyens de l’Etat « à la vie privée et à une protection égale », en vertu de la Constitution de l’Alaska. La plus haute juridiction de l’Etat a estimé que ces droits incluaient le « droit à l’avortement » dans un arrêt de 1997, et l’avortement y est légal à tous les stades de la grossesse. Dans l’Ohio, une loi similaire a été bloquée le 29 août. Le texte visait également à interdire l’usage de la télémédecine pour prescrire des avortements médicamenteux [8].

Le 12 septembre, un juge du Dakota du Nord a annulé la quasi-interdiction d’avorter, considérant que les garanties relatives à la « liberté personnelle » contenues dans la Constitution de l’Etat créent un « droit fondamental » à l’avortement avant que le fœtus ne soit viable. Le procureur a assuré qu’il ferait appel de la décision [9].

L’avortement aux Etats-Unis ou la pierre angulaire des campagnes présidentielles ?

Désormais, l’avortement semble s’imposer comme le sujet principal en matière de santé au sein des campagnes présidentielles outre-Atlantique, devant l’Obamacare [10], relégué au second plan [11]. Kamala Harris, actuelle vice-présidente des Etats-Unis et candidate à la fonction suprême, qualifie l’avortement de « liberté fondamentale », là où son adversaire, Donald Trump, semble souhaiter laisser les Etats légiférer en la matière. Non sans entretenir un certain flou quant à ses intentions. Preuves en sont les déclarations récentes de sa femme en faveur de la pratique [12].

En parallèle des questions liées à l’avortement, celles autour de la procréation médicalement assistée font également partie des thèmes de campagne, bien que moins bruyamment. En matière de santé, ces questions seraient-elles plus essentielles que la prise en charge des frais de santé ? Lesquelles ont un plus grand impact sur la vie des Américains ?

 

[1] AP news, Hannah Fingerhut, Iowa now bans most abortions after about 6 weeks, before many women know they’re pregnant (29/07/2024)

[2] Washington Times, Mallory Wilson, Democratic governors offer public appeals to women amid neighboring Iowa’s 6-week abortion ban (29/07/2024)

[3] Reuters, Brendan Pierson, Indiana judge refuses to broaden medical exception to abortion ban (11/09/2024)

[4] AP news, Sejal Govindarao, Arizona’s 1864 abortion ban is officially off the books (14/09/2024)

[5] AP news, Amy Beth Hanson, Montana Supreme Court rules minors don’t need parental permission for abortion (14/08/2024)

[6] AP news, Kimberley Kruesi, Federal judge temporarily blocks Tennessee’s ‘abortion trafficking’ law (21/09/2024)

[7] Reuters, Brendan Pierson, Nurse practitioners can provide abortions in Alaska, judge rules (06/09/2024)

[8] CBS, AP, Judge blocks Ohio from enforcing 2 more laws restricting abortionsv (05/09/2024)

[9] AP news, Jack Dura et John Hanna, A judge strikes down North Dakota’s abortion ban and rules that access is protected (13/09/2024)

[10] La loi « Patient Protection and Affordable Care Act » (ACA), connue sous le nom d’« Obamacare » a été adoptée par le Congrès des Etats-Unis pour améliorer l’accès aux soins de santé.

[11] Washington Times, Tom Howell Jr, Abortion supplants Obamacare in campaign; Trump unable to replace health law (07/10/2024)

[12] Le Figaro, Hélène Vissière, Les étranges mémoires de l’étrange Melania Trump (07/10/2024)

Photo : iStock

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