Vincent Lambert : Le Pr Xavier Ducrocq soulagé, mais prudent

Publié le 23 Juil, 2015

Pour Gènéthique, le Professeur Xavier Ducrocq, neurologue au CHU de Nancy et conseil médical des parents de Vincent Lambert, réagit à la décision du CHU de Reims de ne pas se prononcer sur l’arrêt des soins apportés à Vincent Lambert (cf. Gènéthique vous informe du 24 juillet 2015).

 

Comment réagissez-vous à la décision qui a été prise hier concernant Vincent Lambert ?

Je suis extrêmement soulagé que la menace immédiate de mort ait été suspendue et j’espère définitivement écartée, même s’il est un peu tôt pour en être certain. Je reste vigilant parce qu’aucun des motifs avancés n’est d’ordre médical, alors que la raison de l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert est médicale ! Le motif de cette décision ne concerne pas non plus la démarche collégiale. Pour toutes ces raisons, je reste prudent. Je regrette que d’emblée, le transfert n’ait pas été proposé, que la suspension de la décision n’ait pas été doublée d’un transfert, parce que la prise en charge médicale actuelle est insuffisante.

Ceci étant, c’est un pas en avant. Mon inquiétude était immense, je craignais qu’on arrête la vie de Vincent très rapidement, que l’alimentation et l’hydratation soit supprimés ces prochains jours et que le processus s’accompagne d’une sédation profonde. J’espère que c’est le premier temps de la levée d’une triple imposture que j’ai déjà nommée (cf. Gènéthique vous informe du 8 juin 2015). Il est temps de mettre un peu de raison dans ces débats.

 

Est-ce que vous pensez qu’il y a de l’entêtement de la part des médecins du CHU de Reims ?

Très clairement. Nous leur avons proposé de voir des vidéos, le Dr Simon qui est en charge de la procédure collégiale, n’a jamais voulu. Ils ont engagé une nouvelle procédure collégiale sans s’apercevoir que l’état de Vincent avait évolué, sans vouloir le considérer. Par ailleurs, le Dr Simon est là depuis le début et elle a toujours approuvé la démarche. Il n’y a pas eu de remise en question sur ce sujet. La semaine qui a précédé la décision, des examens médicaux auraient eu lieu. Je suis conseil médical des parents de Vincent, ses parents n’ont jamais eu aucune information, moi encore moins ! Ils ont remis en questions la capacité de déglutition de Vincent. Qui l’a fait ? Quand ? Comment ? Il est impossible de conseiller les parents dans ces conditions, or nous devons avoir connaissance de ces éléments. C’est d’autant plus paradoxal que nous constatons au contraire que son état s’est amélioré ! Vincent mange des aliments liquides par la bouche sans aucune difficulté ! Nous avons des éléments extrêmement objectifs de l’authenticité de ce que nous avançons sur le plan médical.

 

Que voulez-vous dire ?

Des collègues médecins ont accepté de voir ces vidéos, des neurologues et des médecins rééducateurs qui dirigent des unités spécialisées importantes de patients pauci-relationnels. Leurs conclusions sont convergentes : Vincent est en état Pauci-relationnel (Cf. Gènéthique vous informe du 24 juillet 2015).

Les experts du Conseil d’état avaient bien dit qu’ils ne pouvaient pas écarter la possibilité que Vincent soit dans un état pauci-relationnel et ils sont allés au-delà de ce que leur mission leur imposait en estimant que le seul niveau de conscience de Vincent ne suffisait pas en soi à engager une procédure de fin de vie, il fallait aussi connaître la volonté de Vincent. Actuellement, il prend volontairement la nourriture qu’on lui propose par la bouche, les soins n’ont pas de caractère déraisonnable.

 

Mais là tout s’est emballé ?

C’est pour cette raison qu’il faut juger Vincent sur la base des éléments médicaux que nous avons actuellement à notre disposition et non pas sur ceux de 2012 ! La réalité est devenue tout autre !  Dès avril 2014, les experts avaient affirmé la capacité de Vincent à manger par la bouche et à déglutir. Cela n’a pas été exploité par la rééducation orthophonique qui aurait due alors être mise en place. Et aujourd’hui Vincent mange parce qu’il veut manger ! Et par là Vincent montre qu’il veut vivre ! Il a la capacité de refuser. Sa mère l’a très bien compris : dans la vidéo, il y a un moment où elle veut lui donner à manger et où il détourne la tête. Cette volonté est facile à vérifier pour peu qu’on s’en donne les moyens.

 

Avez-vous eu des contacts, depuis hier, avec des médecins à qui vous avez présenté les vidéos de Vincent ?

Oui, ils partagent notre soulagement.

La loi du 3 mai 2002 donne des éléments très précis pour la prise en charge des personnes atteintes d’un handicap majeur qui sont sans espoir d’une réelle amélioration dans le temps. Cette loi a donné lieu à la création de 300 établissements. Ce qui se passe pour Vincent remettait tout en cause. C’est comme si on disait « cette vie ne vaut pas la peine d’être vécue », comme si on sous-entendait que ce travail n’avait pas de sens, que ça coûtait cher et même que c’était de la maltraitance ! Il y avait un vrai malaise dans ces équipes. Alors oui, j’ai reçu des messages de mes collègues qui sont eux aussi soulagés de cette décision.

 

Qu’est-ce qui va se passer maintenant ?

Le communiqué du CHU de Reims, qui n’est disponible nulle part, qui n’a pas été transmis aux avocats, demande au procureur de nommer un tuteur. Le pouvoir d’un tuteur est limité, il aura tout au moins la capacité de demander le transfert de Vincent dans une unité spécialisée pour grand handicapé. Si c’est ce qui arrivait, s’il était pris en charge par une équipe neutre, je pense que ce serait une première étape, j’espère vers un apaisement, y compris familial.

Pour Vincent, comme pour l’équipe soignante du CHU de Reims, il serait important qu’il puisse changer au plus vite d’établissement.

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