Dans la rubrique Débats du Figaro, Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à la faculté de médecine (Paris-Sud XI), considérant l’élan de générosité suscité par le Téléthon, pose une question : " Cette mobilisation nationale confère-t-elle pour autant une légitimité morale à l’AFM, qui l’exonérerait de toute justification de ses choix ? ".
Emmanuel Hirsch rappelle les responsabilités morales du Téléthon : "Ses responsabilités engagent, exposent, lui imposent des obligations qui ne se limitent pas au souci de transparence dans "l’utilisation des dons". Il constate que "les quelques interrogations morales rendues publiques par des représentants de l’Église" ont eu "pour fonction de libérer la parole. On peut comprendre les premières réactions offusquées à la suite de l’irruption inattendue d’une réflexion exigeante dans l’espace réservé et balisé de la scène médiatique totalement vouée au Téléthon. On sait à quel point les logiques du spectacle sont réfractaires à la controverse, et tout le bénéfice que l’on tire d’une simplification extrême dès lors qu’on privilégie le registre de l’émotion".
Il dénonce l’attitude des politiques se cachant derrière les lois de bioéthique de 2004 qui ne veulent pas relancer un débat délicat, admettre la distinction entre légal et moral, et considèrent " comme un signal inquiétant l’expression de résistances au nom d’une conception, elle aussi respectable, de la dignité humaine". Evoquant la parution du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques proposant la légalisation du clonage humain, il montre combien il est facile pour les " partisans d’un scientisme débridé" de considérer irrecevable la moindre interrogation d’ordre éthique, et de poursuivre de leur vindicte ceux qui se posent des questions.
Les arguments sont connus : collusion d’un autre temps, atteinte à la liberté, préjudice à "l’incontestable intérêt scientifique et social de leurs travaux, et tout autant aux règles démocratiques, dès lors qu’ils respectent une loi qui ne leur refuse rien".
Rappelant que le 1er objectif du Téléthon, c’est d’offrir la reconnaissance sociale et la guérison aux personnes handicapées, Emmanuel Hirsch conclut : "Il serait préjudiciable à la cause des personnes handicapées que les responsables de l’AFM se figent dans des postures indifférentes à la critique, ou considèrent que le statut très exceptionnel conféré à leur association les exonère du devoir de transparence, si ce n’est de justification. Il lui faut surmonter aujourd’hui un nouveau défi : être à la hauteur d’une exigence morale, d’une promesse dont il est directement comptable bien qu’elle nous concerne tous".
Le Figaro 08/12/06