La nouvelle Instruction du Vatican sur la bioéthique : Dignitas Personae

Publié le 15 Déc, 2008

"Par le simple fait qu’il existe, chaque être humain doit être pleinement respecté".

Alors que l’Eglise de France se prépare au débat bioéthique et a invité samedi 13 décembre, 300 "personnes ressources" à réfléchir à l’approche des Etats généraux de la bioéthique, la Congrégation pour la doctrine de la Foi, au Vatican, a publié vendredi 12 décembre 2008, une nouvelle Instruction très attendue, sur les questions de procréation et de recherche biomédicale : Dignitas Personae. 21 ans après l’Instruction Donum Vitae publiée en 1987, ce texte rappelle les principes déjà énoncés dans Donum Vitae et les revisite à la lumière des avancées scientifiques et technologiques. Si le principe fondateur de respect de la dignité de la personne n’a pas changé, la technique médicale a évolué et de ce fait de nouvelles questions surgissent : le texte évoque donc en 37 articles les principes et affronte certaines de ces problématiques récentes qui suscitent attentes et préoccupations. L’Eglise précise que le "Magistère tient à encourager et à exprimer sa confiance envers ceux qui considèrent la science comme un précieux service pour le bien intégral de la vie et pour la dignité de chaque être humain" et que c’est avec espoir qu’Elle regarde la recherche scientifique.

Mais le texte s’attache aussi à expliquer pourquoi il est nécessaire de dire non à certaines pratiques, pour soutenir la cause "des plus faibles et de ceux qui sont sans aucune défense" car l’ennemi n°1, précise le Figaro est "la tentation de l’eugénisme avec une technique médicale, qui permet aujourd’hui de trier, de choisir puis d’éliminer." Ce texte invite donc les hommes de bonne volonté, chrétiens ou non, à considérer que "derrière chaque "non" se reflète dans l’effort de discerner entre le bien et le mal,  un grand "oui" à la reconnaissance de la dignité et de la valeur inaliénables de chaque être humain, particulier et unique, appelé à l’existence".

En préambule, l’Instruction rappelle que "la dignité de la personne doit être reconnue à tout être humain depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle. Ce principe fondamental, qui exprime un grand oui à la vie humaine, doit être mis au centre de la réflexion éthique sur la recherche biomédicale." Les trois parties du document abordent ensuite les aspects anthropologiques, théologiques et éthiques de la vie et de la procréation humaine, les nouveaux problèmes concernant la procréation puis les nouvelles propositions thérapeutiques qui comportent la manipulation de l’embryon ou du patrimoine génétique humain. Les media reviennent largement sur l’interdiction de recherche sur l’embryon : "Bioéthique, le Vatican veut protéger l’embryon" titre le site nouvelobs.com, "Le Vatican oppose aux chercheurs la dignité de l’embryon humain" écrit l’Express.fr, "Le Vatican veut préserver la dignité de l’embryon" souligne en gros titre le Figaro et la Croix précise "Le Vatican reconnaît à l’embryon la dignité de personne." Le Monde évoque plutôt la réflexion du Magistère sur la procréation.

La première partie de Dignitas Personae rappelle que les progrès de la médecine ont considérablement élargi les connaissances sur la vie humaine. On sait désormais que "le corps d’un être humain, dès les premiers stades de son existence, n’est jamais réductible à l’ensemble de ses cellules. Ce corps embryonnaire se développe progressivement selon un programme bien défini et avec une finalité propre qui se manifeste à la naissance de chaque enfant. "

Le texte précise ensuite, dans cette partie, un critère fondamental pour juger des questions morales portant sur l’embryon humain : "le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c’est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l’être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment, on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels et en premier le droit inviolable de tout être humain innocent à la vie." Autrement dit "par le simple fait qu’il existe, chaque être humain doit être pleinement respecté".  Lors de la conférence de presse du 12 décembre, Mgr Rino Fisichella président de l’Académie pontificale pour la Vie, a précisé que : "dire cela va plus loin que ce qu’affirmaient les précédents documents  de l’Eglise". "En reconnaissant cette dignité, on dit implicitement que l’être humain est une personne, dès sa conception." L’Instruction explique que même si Donum vitae n’a pas défini l’embryon comme personne, on peut et doit affirmer que l’embryon humain a, dès le commencement, la dignité propre à la personne (n° 5). 

Le deuxième principe fondateur rappelé est que "le mariage et la famille constituent le contexte authentique où la vie humaine trouve son origine", et que "la vie provient d’un acte qui exprime l’amour réciproque entre l’homme et la femme".

De ces deux principes découlent les critères d’appréciation des actes que la technique nous offre : recherche et manipulation embryonnaire, techniques médicales de procréation.

Dans une deuxième partie, concernant la procréation, l’Eglise reconnaît la légitimité du désir d’avoir un enfant  et comprend les souffrances des conjoints éprouvés par une infertilité mais rappelle que "la procréation humaine est un acte personnel du couple homme-femme qui n’admet aucune forme de délégation substitutive" et que les techniques qui apparaissent comme une aide à la procréation "sont à évaluer moralement par référence à la dignité de la personne humaine (…)" mais "ne sont pas à rejeter parce qu’artificielles." Ainsi les techniques de fécondation in vitro (FIV) hétérologue et homologue sont à exclure parce qu’elles se substituent à l’acte conjugal mais sont permises "les techniques qui sont comme une aide à l’acte conjugal et à sa fécondité". La congélation d’ovocytes en vue d’une procréation artificielle est de ce fait aussi "inacceptable".

Le document précise également que la destruction et le tri d’embryons conçus par FIV, la congélation d’embryons, la réduction embryonnaire et le diagnostic préimplantatoire sont contraires au respect dû à tout être humain, sans discrimination d’âge ou de qualité génétique. Le texte réaffirme "on en vient (ndlr : par ces techniques) à oublier que les personnes malades et les handicapés ne forment pas une sorte de catégorie à part." "Une telle discrimination est immorale". Enfin Dignitas Personae évoque les pilules interceptives ou contragestives et précise que malgré une part d’inconnu sur leur mode d’action, "l’effet d’empêcher l’implantation est réellement présent" et qu’il y a donc une intention d’avortement dans celui qui l’utilise ou le prescrit à cette fin. Le texte rappelle le n°58 de l’encyclique Evangile de la Vie qui précise qu’un avortement est "le meurtre délibéré et direct, quelle que soit la façon dont il effectué, d’un être humain dans la phase initiale de son existence, située entre la conception et la naissance."

Dans sa troisième partie, le texte précise que les interventions sur les cellules somatiques avec des finalités strictement thérapeutiques sont licites. Concernant la thérapie génique germinale, l’Eglise considère qu’en l’état actuel de nos connaissances, ou plutôt de notre ignorance sur les risques encourus pour la progéniture, et du recours implicite à la procréation artificielle, qu’elle est illicite. Enfin la recherche sur l’embryon, le clonage, qu’il soit de reproduction ou à visée thérapeutique, le création d’embryons hybrides humains/animaux portent gravement atteinte à la dignité humaine. Le texte précise que si le clonage reproductif est un esclavage biologique, le clonage thérapeutique est plus grave encore au plan éthique puisqu’il sacrifie une vie humaine dans un but thérapeutique. Le document appelle à développer les formes de recherche sur les cellules souches adultes.

Enfin il aborde largement la question de l’utilisation de "matériel biologique" humain d’origine illicite", comme les embryons ou les fœtus humains, et évoque les différents problèmes éthiques soulevés en termes de coopération au mal et de scandale.

En  conclusion comme le dit le journal Le Monde : "le Vatican réaffirme avec vigueur ses positions traditionnelles sur l’instrumentalisation des cellules sexuelles et des embryons humains". La Croix met aussi en avant la volonté du Magistère de "promouvoir une nouvelle culture de vie".

Le Monde 13/12/08 (Stéphanie Le Bars, Jean-Yves Nau) – La Croix 15/12/08 (Isabelle de Gauldmyn) – Le Figaro 13/12/08 (Jean-Marie Guénois) – Libération 13&14/12/08 – Liberté Politique 15/12/08 – Nouvel Obs.com 12/12/08 – VIS 12/12/08 – Zenit 12&14/12/08 – Express.fr 15/12/08– – Le Quotidien du Médecin (Stéphanie Hasendahl) 17/12/08 – Bio Edge 18/12/08

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