Mère porteuse : vers une ”prostitution maternelle” ?

Publié le 7 Mar, 2005

Dans la rubrique Débats et Opinions, Sylviane Agacinski, philosophe, professeur à l’École des hautes études en sciences sociales et qui vient de publier la "Métaphysique des sexes, Masculin/Féminin aux sources du christianisme" revient sur les dangers liés à la question des mères porteuses.

Présenté comme un gage de modernité technique, le recours aux mères porteuses constitue en fait une instrumentalisation moderne du corps féminin explique t-elle. "Au moment où dans notre société, le droit à la contraception et l’avortement redonnent aux femmes la maîtrise de leur fécondité et de leur corps, il serait injuste […] d’instaurer une forme inédite de dépossession commerciale du corps féminin, sous prétexte qu’elle serait utile à d’autres" ajoute t-elle. 

Jusqu’à maintenant la rémunération d’une mère porteuse était incompatible avec le principe en vigueur en France qui interdit de vendre son corps ou ses organes. Sylviane Agacinski s’inquiète que depuis peu l’on réfléchisse dans les colloques sur la pratique de la "gestation pour autrui". Elle dénonce l’emploi de ce nouveau terme, notion rassurante avec sa connotation technique et bienfaisante avec son caractère altruiste. Elle rappelle qu’aux Etats-Unis où le recours aux mères porteuses est autorisé, cette pratique "relève d’un échange marchand et n’est nullement un don". "Payer une mère porteuse, c’est acheter ce qu’elle porte" ajoute t-elle. Elle s’inquiète d’une dérive de la société où tout pourrait devenir marchandises y compris les enfants.

Elle rappelle que le processus de gestation "qui s’effectue lentement au plus intime du corps féminin, ne peut être séparé de l’existence global d’une femme". Si la procréation médicalement assistée a abouti à une "étrange maternité en miettes" elle ne doit pas pour autant aboutir à un service commercialisé de "mère fragmentaires" ajoute-t-elle. Pour Sylviane Agacinski cette dérive pourrait inciter les femmes à porter sur leur corps un regard extérieur, à le traiter comme un simple support de fonctions organiques, et pourrait entraîner la disparition de la notion de  désir.

Si elle était légalisée, cette notion de "gestation pour autrui" pourrait se transformer en "prostitution maternelle" "Porter un enfant entraîne toutes sortes de métamorphoses intérieures et de transformations hormonales qui modifient la manière d’être et la sensibilité. Ces transformations ne prennent sens que dans l’histoire d’une femme et à travers son désir" conclut-elle.

Le Figaro 07/03/05

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