Du déséquilibre démographique en Chine

Publié le 8 Juil, 2008

Libération publie une tribune d’Esther Duflo, économiste et professeur au Massachusetts Institute of Technology et à l’Ecole d’économie de Paris, à propos de la politique démographique chinoise, véritable "bombe à retardement, dont les effets commencent juste à se faire sentir". Mise en place en 1978, la politique de l’enfant unique est actuellement toujours en vigueur bien qu’elle ait été légèrement assouplie (les couples constitués de deux enfants uniques et ceux vivant dans une région rurale et dont le premier enfant est une fille peuvent avoir un deuxième enfant). Voulue par Deng Xiaoping, cette politique se voulait un moyen de reprise en main de l’économie.

Mais, dans un pays marqué par une forte préférence pour les garçons, cette politique de contrôle des naissances a entraîné un déséquilibre démographique important entre filles et garçons. Peu à peu ce déséquilibre s’est accentué avec la généralisation des techniques de détermination du sexe de fœtus ouvrant la voie à l’avortement sélectif. Ainsi, en 1998, il est né 112 garçons pour 100 filles contre 102 garçons pour 100 filles en 1978.

Pour Esther Duflo, la préférence pour les garçons, l’avortement sélectif ainsi que la mortalité élevée des filles ne sont pas un phénomène exclusivement chinois et ne sont pas dus uniquement à la politique de l’enfant unique. Ainsi retrouve-t-on ce phénomène en Inde, à Taïwan, au Pakistan et dans certains communautés immigrées aux Etats-Unis. Toutefois, la politique de l’enfant unique "a accentué ce déséquilibre, en "forçant" les parents qui voulaient au moins un garçon à éliminer les filles dès la première naissance".

La Chine "commence à prendre conscience des conséquences de ce déséquilibre démographique" : les garçons ont du mal à se marier, ont plus de problèmes comportementaux et commettent plus de crimes. Une récente étude a ainsi établi un lien entre politique de l’enfant unique et augmentation du crime : en comparant le nombre de crimes commis entre 1998 et 2004 dans les régions où la politique de l’enfant unique était strictement appliquée et dans celle où les parents pouvaient avoir un deuxième enfant, les universitaires ont montré que la politique de l’enfant unique expliquait un septième de l’augmentation du crime. Une autre étude prouve que les filles nées dans une région où avoir un deuxième enfant était autorisé vont plus longtemps à l’école. "Loin de se faire concurrence, les enfants bénéficient d’avoir au moins un frère ou une sœur", souligne l’auteur.

"Quoi qu’il en soit, et bien qu’elle soit sur le déclin, la politique de l’enfant unique continuera de hanter la Chine dans les décennies à venir", conclut-elle.

Libération (Esther Duflo) 08/07/08

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