Adoption à l’Assemblée du délit d’interruption accidentelle de grossesse

Publié le 28 Nov, 2003

En septembre dernier, une jeune femme de 32 ans enceinte de trois mois était fauchée à Paris par un chauffard ayant emprunté un couloir de bus à contresens. Ce drame avait suscité une nouvelle émotion après les différents accidents de ce genre survenus depuis quelques années et relancé le débat sur le vide juridique existant autour de la responsabilité d’une interruption accidentelle de grossesse.

 

 Les députés ont adopté hier un amendement, présenté par le député Jean-Paul Garraud (UMP, Gironde) créant le délit d’interruption involontaire de grossesse. Il vise à réprimer « une maladresse, une imprudence, une inattention, une négligence ou un manquement à l’obligation de sécurité ou de prudence » et sera puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende une personne responsable d’une interruption accidentelle de grossesse .

 

 Cet amendement a donné lieu à un débat passionné au sein de l’hémicycle, la gauche accusant Jean-Paul Garraud de remettre en cause le droit à l’avortement : « avec cet amendement vous fermez la porte à l’avortement en mettant la clé dans la serrure » a déclaré Jean-Yves Le Bouillonnec (PS, Val-de-Marne).

 

 « C’est du terrorisme intellectuel » a remarqué Jean-Paul Garraud dont l’amendement a été adopté par 30 voix (UMP) contre 14 (PS-PCF). Par conséquent avec un peu de bon sens, on voit qu’au contraire cet amendement renforce le droit des femmes.

 

Jean-Paul Garraud a rappelé que M. Badinter en 1992 avait fait adopter l’article 223-10 du code pénal protégeant la femme contre l’interruption de grossesse résultant d’un acte intentionnel d’un tiers. Il a indiqué que sa proposition visait à compléter cette loi en incriminant les mêmes faits en cas de faute involontaire.

 

Répondant à Monsieur Le Bouillonnec, Jean-Paul Garraud a souligné le paradoxe suivant : « quand vous tuez le chien qui se trouve dans la voiture en la percutant, c’est une contravention de troisième classe ; quand c’est la femme enceinte, la loi ne prévoit rien ! »

 Assurant que l’objet de l’amendement « n’est en aucun cas de débattre d’un statut du fœtus », le rapporteur du texte, Jean-Luc Warsmann (UMP) a fait adopter un sous-amendement qui stipule que cette disposition ne peut « en aucun cas faire obstacle au droit de la femme enceinte  de recourir » à un avortement volontaire.

 

Le président de la commission des lois, Pascal Clément (UMP, Loire) a également affirmé qu’il s’agissait de « la protection de la femme enceinte, pas de l’enfant qu’elle attend ».

 

Quant au ministre de la justice Dominique Perben, il s’est déclaré favorable à l’amendement de Jean-Paul Garraud dans la mesure où « il ne remet en rien en cause la législation sur l’avortement ».

 

 Le Comité des parents orphelins, composé de femmes victimes de ces accidents, s’est félicité de l’adoption de cet amendement. Il a déclaré que, ce texte « vient combler une lacune scandaleuse du droit positif qui, en l’état, ne sanctionne pas le fait de causer par sa négligence l’interruption de la grossesse d’une femme. »

 

 Il a ajouté « Nous regrettons qu’encore une fois aient été avancés des arguments spécieux de certains qui persistent à voir dans ce texte une remise en cause de l’IVG : en quoi la liberté laissée à la femme d’interrompre sa grossesse permettrait à un tiers d’aboutir à ce résultat par sa négligence, alors que la femme souhaite garder son enfant ?

 

L’adoption de ce texte apporte du baume au cœur des parents privés de leur enfant, dont la douleur était jusqu’à présent tenue pour quantité négligeable par le droit. Il apporte un remède à une poignante injustice et aidera les familles à faire enfin de deuil de leurs enfants. »

 L’amendement sera réexaminé avec l’ensemble du texte par le Sénat en janvier.

Le Figaro (Sophie Huet) 28/11/03 – Le Parisien (Marc Payet – Corinne Thébault) 28/11/03 – Libération (Blandine Grosjean) 28/11/03 – Nouvel Observateur 28/11/03 – TF1 28/11/03 – Gènéthique 28/11/03

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