Dossier sur l’AMP

Publié le 18 Jan, 2011

A l’approche du vote de la loi sur la bioéthique, La Croix consacre un long dossier à l’aide médicale à la procréation (AMP).

Alors que le projet de loi prévoit de réserver l’AMP aux cas d’infertilité "dont le caractère pathologique a été médicalement constaté" et pour les couples "formés de l’homme et de la femme (…) en âge de procréer", certains souhaiteraient l’élargissement de son indication, notamment des associations homosexuelles. La sociologue Irène Théry indique qu’elle ne verrait pas d’inconvénient à l’ouverture de l’AMP aux célibataires et aux couples homosexuels.  Ces techniques n’étant pas des thérapies, elle estime qu’elles constituent une nouvelle manière de devenir parents. Elle considère par ailleurs que "l’anthropologie de la parenté nous montre que celle-ci se construit sur trois générations au moins. Si l’enfant, élevé par deux femmes, ne peut s’identifier au père, il le fera à travers ses grands-pères par exemple".

Pourtant, pour le psychiatre Christian Flavigny, ce parti pris "sous-estime l’importance pour l’enfant de consigner sa venue depuis la relation du couple de ses parents". Cela revient également à ignorer "l’enjeu structurant de la filiation". Pour le philosophe Xavier Lacroix, membre du CCNE, autoriser l’AMP pour les célibataires et les homosexuels serait "priver l’enfant de la différence sexuelle de ses parents, donc d’un bien élémentaire, celui de grandir avec un père et une mère". "Certes, de telles situations existent aujourd’hui, poursuit-il, mais ce n’est pas la même chose d’y faire face et de les programmer. La société, à mon sens, ne doit pas cautionner un système qui prive l’enfant de père", ou de mère si la gestation pour autrui venait à être autorisée.

L’Eglise catholique, qui accompagne de nombreux couples stériles, met de son côté en garde contre l’assistance médicale à la procréation. Si l’une des raisons est de préserver la vie des embryons surnuméraires, il s’agit aussi et avant tout de ne pas séparer sexualité et procréation. "Il y a quelque chose de trop grand dans la procréation humaine pour la laisser à la domination de la technique", rappelle ainsi Mgr d’Ornellas, président du groupe de travail épiscopal sur la bioéthique. "L’une des raisons pour lesquelles l’Eglise s’oppose aux procréations médicalement assistées est le fait de transférer la procréation à la technique, avec la logique d’efficacité et de recherche du risque zéro qui lui est propre et les risques de dérive eugéniste et de marchandisation", explique de son côté le père Jacques de Longeaux, prêtre parisien qui a animé des sessions pour les couples sans enfant. "En substituant un acte technique à l’étreinte des corps, on pervertit la relation à l’enfant : celui-ci n’est plus un don, mais un dû", écrivait en 2003 Mgr Bruguès, dominicain et secrétaire de la Congrégation romaine pour l’éducation catholique.

Jean-Claude Soudée, animateur de sessions pour couples stériles, évoque également la souffrance des couples ayant eu recours à l’AMP : "La plupart sont passés par l’insémination artificielle entre époux ou par la stimulation ovarienne; ils en parlent comme d’un parcours lourd, difficile, et expriment le refus d’un acharnement procréatif". Le père de Longeaux explique enfin que le refus de l’AMP par l’Eglise catholique trouve un écho, même dans une société laïque car "les argument qui s’opposent à faire du corps humain un objet manipulable en fonction des besoins ne sont pas spécifiquement religieux".

La Croix publie également deux interviews : une du Pr François Olivennes, gynécologue obstétricien spécialiste de l’AMP et une du Pr René Frydman, chef du service de gynécologie obstétrique et de médecine de la reproduction à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart. Ils répondent à la question : "En fait-on assez pour prévenir l’infertilité ?" Pour François Olivennes, il faudrait davantage informer les couples des effets de l’âge, notamment des femmes, sur la fertilité : "Sans oublier de dire que la médecine ne peut pas tout, que la fécondation in vitro, ce n’est pas magique et que les taux d’échec augmentent avec l’âge". "Certains ont même évoqué l’idée d’inscrire un message sur les boîtes de contraception, disant qu’il ne faut pas trop attendre pour avoir un bébé", indique-t-il. Quant à René Frydman, il estime qu’il faut accepter que des femmes désirent des enfants plus tard : "c’est un mouvement inéluctable, parce que la condition de la femme a fortement évolué". Il plaide donc pour que l’on autorise les femmes à congeler leurs ovules dans la perspective d’une grossesse plus tardive.

La Croix (Claire Lesegrétain, Marine Lamoureux) 18/01/11

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