Homme augmenté: le Comité d’éthique suggère une veille éthique

Publié le 13 Fév, 2014
Dans un avis n° 122 “Recours aux techniques biomédicales en vue de ‘neuro-amélioration’ chez la personne non malade: enjeux éthiques“, rendu mercredi, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’interroge sur la neuro-amélioration biomédicale c’est-à-dire sur le “recours par des sujets non malades à des techniques biomédicales (médicaments et dispositifs médicaux) détournées de leur utilisation en thérapeutique ou en recherche dans un but supposé d’amélioration psycho-cognitive“. 
 
Il faut tout d’abord noter qu’il est “déjà possible de prendre des médicaments par voie orale ou d’utiliser des techniques de stimulation cérébrale transcrânienne ou profonde“. Des études faisant appel à des sujets non malades “ont effectivement révélé une amélioration de certains paramètres des fonctions psycho-cognitives mais de manière ‘inconstante, modeste, parcellaire et ponctuelle’ ” précise le rapport. Mais le CCNE tient à alerter que le rapport bénéfice-risque à long-terme est “totalement inconnu“. Ce qui est en jeu précise le CCNE, c’est l’autonomie de l’individu: l’augmentation de ses capacités peut l’inscrire dans une situation de coercition implicite, explicite ou sociétale: “l’individu se croit libre de tout mais en réalité il est sous l’effet d’une injonction à la performance”. Par conséquent, le CCNE se dit réservé quant à l’utilisation de ces techniques et les déconseille chez l’enfant, l’adolescent et la personne vulnérable. Transparence et information sont “indispensables” sur ce sujet, précise-t-il. Et dans la mesure où le corps médical va être le premier confronté à la demande d’utilisation de ces techniques biomédicales, il devra “se positionner au mieux dans le cadre de la relation clinique et selon un éventuel guide de bonnes pratiques“, affirme le CCNE.
 
Le Comité d’éthique évoque aussi les cyborgs, “ces êtres hybrides, organiques et électroniques à la fois”. En substituant à des parties de notre corps des dispositifs bioniques bourrés d’électronique et autres avatars mécaniques, l’humanité acquiert progressivement la capacité de pouvoir remplacer l’homo sapiens par une autre espèce humaine”.
Donc l’interrogation fondamentale serait l’élaboration d’une nouvelle humanité: “le mouvement post humaniste, né dans les années 1980, repose sur l’idée selon laquelle il n’y a ni norme intrinsèque à la nature humaine, ni stabilité de cette nature“.
 
Par ces nouvelles techniques, c’est donc toute la conception de la médecine qui est remise en cause. L’ interrogation à laquelle va être confrontée la société est la suivante: la médecine “doit-elle rester dans son rôle traditionnel de prévention, diagnostic et traitement des maladies ou doit-elle élargir son champ d’intervention à ce phénomène“?
 
En tout état de cause, et pour le moment, une veille éthique s’impose car pour le Comité d’éthique, une telle évolution comporte “un risque majeur de distorsion des priorités de santé, risque qui ne pourrait que s’aggraver si les ressources publiques sont engagées“. Un autre risque est mis en avant par le Comité: “le risque d’émergence d’une classe sociale ‘améliorée’, constituée d’une minorité d’individus aisés […] au point que […] les ‘non augmentés’ courent le risque d’être considérés comme pathologiques ou ‘diminués’ “. 

 

 AFP 12/02/2014 – Hospimedia.fr (Pia Hémery) 12/02/2014 – CCNE avis n°122

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