Le rapport Claeys-Leonetti frappe à côté des vrais enjeux

Publié le 15 Déc, 2014
Gènéthique a relevé quelques réactions de médecin, philosophe et politique qui n’ont pas été convaincus par la proposition de loi des députés Claeys et Leonetti, la jugeant inadéquate aux véritables enjeux de la fin de vie.
 
Le Dr Olivier Jonquet est médecin-réanimateur et porte parole du collectif Convergence Soignants-Soignés. S’il apprécie que les mots “suicide assisté” et “euthanasie” ne soient pas cités dans ce rapport “il importe d’être vigilant sur les termes, les moyens et les procédures employés”. Il analyse le rapport en rappelant que la sédation “est déjà reconnue dans le droit et inscrite dans le code de déontologie médicale”. Il précise d’ailleurs qu’elle est admise par l’Eglise catholique, par exemple, lorsque l’intention première est de soulager le patient même si l’on sait que cela peut hâter la mort (doctrine du double effet). En revanche, il s’inquiète de la nouveauté du rapport qui réside dans la reconnaissance d’un droit à « un traitement à visée sédative et antalgique provoquant une altération profonde et continue de la vigilance jusqu’au décès associé à l’ensemble des traitements de maintien en vie » dans certaines conditions (article 3 de la proposition de loi). “Ce qui me choque est la liaison causale obligatoire entre « altération profonde et continue de la vigilance » et « décès »”.

 

Damien Le Guay, philosophe[1], révèle les ambigüités de ce texte qui servira de base au débat parlementaire à venir : ” Nous entrons-là dans une zone de turbulence politique où certains, pour mettre en avant des «marqueurs de gauche», pourraient vouloir en profiter pour détricoter la loi Léonetti (qui sert de cadre, depuis 2005, à la fin de vie en France) au profit d’une «sédation euthanasique». Nous verrons bien. Mais le risque est grand. Pour lui, l’urgence est au mal mourir et non au débat sur l’euthanasie, qui concerne au mieux 5000 cas en France. “300 000 de nos concitoyens meurent d’une manière inhumaine”.  Il regrette que rien n’ai été fait pour y remédier, “pour limiter la mort aux urgences, pour lutter contre «l’obstination déraisonnable», pour favoriser la HAD – l’hospitalisation à domicile. Rien.” Par ailleurs il attend de voir ce que deviendra le “plan pour les soins palliatifs” annoncé: “sera-t-il conséquent, large, bien pourvu ou, au contraire, s’agit-il, encore une fois, comme avec Madame Bachelot, d’un écran du fumée où l’on se paie de mots.”

 

La boite à idée, mouvement au sein de l’UMP né en 2012 à l’initiative de proches de Nicolas Sarkozy, a fait part de sa circonspection autour de la “rhétorique compassionnelle” et constate que les “vraies questions ne sont pas traitées“. “Relever le défi de la fin de vie ne passera pas par une révolution du cadre juridique actuel. L’enjeu principal est de mieux appliquer la loi Leonetti en vigueur, et de mieux la faire connaître […] Le vrai enjeu de la fin de vie est celui de l’accompagnement des personnes. Et donc celui des moyens accordés aux personnes les plus vulnérables de notre société”.
 
[1] Damien Le Guay est également président du comité national d’éthique du funéraire, membre du comité scientifique de la SFAP et enseignant à l’espace éthique de l”AP-HP. Il vient de faire paraître Le fin mot de la vie – contre le mal mourir en France (Ed. du Cerf)

 

Famille Chrétienne (Docteur Olivier Jonquet) 15/12/2014 – www.la-bai.fr 12/12/2014 – Le Figaro (Damien Le Guay) 15/12/2014

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