Les questions éthiques liées à l’édition génétique, le principe du “copier coller” appliqué à l’ADN

Publié le 11 Nov, 2015

Alexandra Henrion-Caude, généticienne et directrice de recherche à l’Inserm à l’Hôpital Necker, propose une analyse de l’« édition génétique » et de ses applications rendues possibles avec la technique CRISPR.

 

Cette technique est « révolutionnaire », car elle « permet de modifier l’ADN avec une précision remarquable et de façon simple à mettre en œuvre », contrairement à la transgenèse utilisée jusqu’alors pour manipuler le génome. Ce qui était compliqué et incertain avec la trangenèse, CRISPR le rend « extrêmement aisé et applicable dans n’importe quel type cellulaire ». CRISPR est plus efficace, plus simple, plus rapide et utilisable à moindre coût. C’est donc un outil « remarquable », « riche de formidables promesses », mais les conséquences de son utilisation ne sont cependant pas totalement maîtrisées. Aussi « Le principe de précaution en matière de remaniement génétique devrait prévaloir », avertit la généticienne.

 

Elle voit deux problèmes dans les utilisations de CRISPR :

 

  • Le premier réside dans l’ignorance des conséquences sur le génome : « CTRL+X on enlève tout ce qui ne va pas, CTRL+V on remplace par du bon, c’est possible sur le principe. Mais encore faudrait-il connaître ce qui est défini comme bon (…) Une information prise dans un contexte génétique donné a un retentissement, qui sera différent dans le contexte d’autres informations génétiques, et cela on ne le maîtrise pas du tout. Personne n’en parle d’ailleurs. » Elle appelle donc à la prudence : « Il faut d’abord avoir compris le génome avant de changer ce qu’il faut à nos cellules, et aux générations futures ».
  • Le second qu’elle nomme « le problème du saut de génération » réside aussi dans notre ignorance, mais cette fois concerne des « informations génétiques qui sautent les générations » : « Lorsque vous touchez à l’information génétique elle-même, vous savez que toute modification que vous faites ne va pas être neutre. Cela nécessite donc une connaissance complète de l’impact qu’on peut avoir. Le problème, c’est qu’on ne maitrise pas les conséquences de cet impact. C’est cela qui peut être inquiétant et c’est cela qui pose des problèmes éthiques ».

 

En outre, Alexandra Henrion-Caude explique : « Je ne peux pas utiliser l’embryon humain pour des recherches dans la mesure où je sais, en tant que généticienne, qu’il y a un continuum parfait de l’information génétique qui est porté par l’embryon à l’être que je suis maintenant et à l’être que je serai quand je vais mourir ».

 

Une équipe chinoise a déjà utilisé CRISPR pour modifier la lignée germinale des embryons humains. La généticienne ne s’en étonne pas : « Comment limiter les expériences faites sur les embryons humains puisque de façon dramatique elles ont été autorisées ?». Elle met de nouveau en garde : « Quand on franchit des lignes rouges, on tombe toujours dans un monde qui manque de cohérence. Toute la difficulté est de rester effectivement à la fois mobile et ouvert à tous ces progrès et à la fois ferme et strict sur les limites ».

 

Pour cette chercheuse, « il est clairement prématuré de proposer tout un champ d’application » à la technique révolutionnaire CRISPR.

 

Atlantico (2015/11/12)

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