Partant de la récente autorisation d’une « sédation profonde et continue » introduite par la Loi Claeys-Leonetti, Danielle Moyse[1], propose une réflexion sur la fin de vie.
Dans son Livre des morts tibétain écrit en 1975, Chôgyam Trungpa, explique comme il est important « de dire à la personne qu’elle est en train de mourir », expliquant que l’impossibilité d’accomplir un tel geste s’apparente à « un refus (…) terrible, fondamental, de l’amour ».
Pour autant, précise Danielle Moyse, « nous pressentons qu’il ne confond ‘laide à mourir’ ni avec le geste létal, ni avec l’endormissement des mourants ». Pour lui, « la preuve ultime d’amour serait d’aider un agonisant à apprivoiser l’approche de sa mort, c’est-à-dire de rendre possible qu’il la rencontre ».
Mais aujourd’hui, comment ne pas se demander si nous n’attendons « pas confusément des médecins qu’ils fassent en sorte que les êtres humains n’aient plus à traverser le dernier moment de leur vie ? L’aide à soutenir la venue de la mort dont parle Trungpa est-elle imaginable et acceptons-nous encore l’éventualité de mourir les yeux ouverts ? » Devant l’invitation à rester lucide au moment de la mort, « nous demandons presque tous à la loi d’organiser une situation telle que nous pourrions anticiper la mort, mais sans en faire l’épreuve. Nous en sommes venus à penser que l’idéal est de mourir sans rencontrer la mort ». Avant de conclure : « La proposition de plonger définitivement les mourants dans l’inconscience n’est autre que l’expression de cet idéal ».
[1] Danielle Moyse est chercheuse associée à l’Iris, au CNRS, à l’Inserm et à l’EHESS et expert Gènéthique.
La Croix 08/03/2016