OGM : “la société a besoin d’une écologie scientifique”

Publié le 8 Déc, 2016

Laurent Chevallier, médecin nutritionniste attaché au CHU de Montpellier, et Jean de Kervasdoué, économiste de la santé, s’interrogent sur l’utilisation des organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (cf. A propos des OGM).

 

Pour Jean de Kervasdoué, la France devrait autoriser les OGM : dans son dernier livre, Ils croient que la nature est bonne, il dépeint sa vision de l’environnement selon laquelle l’homme serait là « pour mater une nature le plus souvent hostile, la façonner pour la mettre à son service ». Il affirme : « Il faut autoriser non seulement la recherche, mais aussi la culture des OGM en France » (cf. Les « plantes du futur » font polémique au Haut Conseil des biotechnologies)

 

Cet économiste de la santé, ancien directeur des Hôpitaux, considère que le progrès prime sur la protection de l’environnement : « Un milliard d‘êtres humains en consomment. Nous sommes tous des organismes génétiquement modifiés, le produit de mutations. Sans mutations, il n’y aurait pas eu d’évolution. » Il ajoute : « Il y a 30 ans, la France fabriquait le premier OGM, aujourd’hui le monde entier, sauf nous, cultive des OGM (cf. Projet de directive européenne sur les OGM : feu vert des Etats?). Le paradoxe de la position française, c’est que les OGM sont une solution pour réduire l’utilisation de pesticides, les plantes génétiquement modifiées sont plus saines et rentables, car elles ne consomment pas de pesticides ou évitent les sarclages pour détruire les mauvaises herbes. »

 

Laurent Chevallier rétorque : « Dire que nous sommes tous des OGM, c’est atterrant ! Pour concevoir un organisme génétiquement modifié, on introduit dans un génome le gène d’une autre espèce. A ma connaissance, on n’a jamais osé faire cela avec le génome humain (cf. CRISPR Cas-9 à l’OPECST : Une tendance favorable à la recherche sur l’homme). Et une mutation provoquée n’a rien à voir avec une mutation naturelle » (cf. CRISPR : en attente du débat éthique qui ne vient pas).

 

Le nutritionniste explique ainsi que « la société a besoin d’une écologie scientifique » (cf. Pour une éthique de la science).  Il assure : « Aujourd’hui, tous les êtres vivants sont confrontés dans leur environnement à une invasion de molécules chimiques, avec des conséquences ravageuses sur la faune et la flore. Grâce à Pasteur, nous avons gagné la bataille contre les virus et les bactéries ; nous devons maintenant passer d’une hygiène pasteurienne à une hygiène chimique. » Par conséquent, le médecin se dit « favorable à la recherche sur les OGM, pour fabriquer des médicaments, par exemple ».

 

En revanche, pour lui, il est « totalement faux de dire que les OGM diminuent l’utilisation de pesticides ». Car aux Etats-Unis, « leur usage immodéré a créé de super-résistances aux pesticides, ce qui oblige les agriculteurs à asperger leurs champs deux fois plus » (cf. Des agriculteurs américains abandonnent les OGM pour revenir aux semences classiques).

 

Quant à Jean de Kervasdoué, il taxe de « bêtise » le fameux « principe de précaution » introduit par Jacques Chirac dans la Constitution en 2005, estimant qu’il obéit à un « principe de la peur » : « Nous sommes des êtres chimiques, une chimie particulière, celle du carbone. Par ailleurs, les plantes produisent des toxines, le soja contient des hormones, la pomme de terre des neurotoxines et le café du benzène. S’il s’agissait de produits industriels, ces aliments seraient recalés par les instances qui fixent les normes sanitaires ! » (cfFrance : les OGM mis en cause).

 

Mais pour Laurent Chevallier, faire croire que toxines naturelles et chimiques sont identiques, c’est « faire le jeu des industriels des pesticides » : « Prenez les insecticides pyréthrinoïdes, ce sont des molécules de synthèses proches de celles du pyrètre naturel, mais qui sont plus agressives et moins rapidement dégradées » (cf. “L’édition du génome va transformer ce que nous mettrons dans nos assiettes”).

 

Le Point, J de Kervasdoué et L.Chevallier (08/12/2016)

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