Aide médicale à mourir au Québec : un an après sa légalisation, le bilan

Publié le 5 Jan, 2017

Le professeur Louis-André Richard, professeur de philosophie et membre du Comité d’éthique d’un centre médical expert en soins palliatifs, fait le bilan un an après l’entrée en vigueur de la loi sur les soins de fin de vie au Québec (cf. Québec : Entrée en vigueur de la loi sur le suicide assisté malgré l’interdiction de la Cour supérieure). Il a participé en tant qu’expert aux pré-consultations parlementaires à l’élaboration de cette loi, au cours desquelles il a fait part de son opposition à une loi autorisant l’aide médicale à mourir.

 

Pour ce spécialiste des questions éthiques entourant les soins de fin de vie, cette loi est « bicéphale » : elle entend promouvoir les soins palliatifs au Québec, tout en ouvrant « la voie à une nouvelle pratique : l’aide médicale à mourir ». Le terme choisi n’est pas anodin, il « fait passer ce nouvel acte pour un soin médical ». Mais pour le professeur Richard, « il n’en est rien puisque cet acte ne permet pas d’améliorer la santé d’un patient ». « On parle bien d’euthanasie », puisqu’il s’agit de « permettre à un tiers de poser un acte qui porte atteinte à la vie d’autrui ». En outre, insérer l’« aide médicale à mourir » dans une loi qui vise aussi à améliorer les soins palliatifs, c’est tenter de « faire croire que l’euthanasie est un soin palliatif, ce qui est faux ».

 

Plus profondément, cette loi « brouille l’administration des soins palliatifs au Québec ». Faire de l’euthanasie un droit a verrouillé le débat : « un droit s’exige, s’exécute, mais ne se discute pas ». Un nouveau droit, « on cherche naturellement à s’en prévaloir ». Ici, « c’est l’euthanasie qui a été érigée en droit, pas l’accès aux soins palliatifs. C’est donc à l’euthanasie qu’il faudra impérativement garantir l’accès, avec tout ce que cela implique d’attraction et de rétention des ressources financières, humaines et matérielles, au détriment des soins palliatifs ».

 

La loi fin de vie a par ailleurs modifié la formation des futurs médecins, normalisant l’euthanasie, regrette le professeur Richard. « Les futurs médecins qui auront à l’administrer le feront de bonne foi, conformément à ce qu’ils auront appris, sans se questionner. Il y aura obligation, pour être un bon médecin, de répondre à ce droit ». Mais le problème n’en est que reporté : « Ces questions fondamentales se manifesteront forcément sous d’autres formes à d’autres moments ».

 

Enfin, cette loi traduit l’évolution de notre rapport à la mort : « Nous sommes passés de la recherche du sens de la vie par le questionnement sur notre condition de mortel, à un regard strictement technique sur une mort sans souffrance ». Mais « l’être humain n’est jamais aussi humain que lorsqu’il assume ce questionnement sur sa condition de mortel ». En « permettant à l’individu de choisir le moment de sa mort, l’euthanasie évacue cette notion de limite liée au caractère inconnu de la mort, et atténue par la même toute possibilité de réflexion sur le sens de la vie ». A l’inverse, les soins palliatifs « permettent au patient de traverser cette phase dans le plus grand confort afin de lui permettre de mourir en paix ».

Limite, Jean-Mathias Sargologos (4/01/2017)

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