Scores de risque polygénique : « Il n’y a pas d’êtres humains parfaits, et les embryons ne font pas exception »

Publié le 22 Mar, 2022

Récemment, certaines cliniques de fertilité privées ont commencé à commercialiser des analyses du score de risque polygénique des embryons destinés à être implantés lors d’un parcours de PMA [1]. Parmi les pathologies dont le « risque » est dépisté : le diabète, certains cancers ou encore les troubles cardiovasculaires.

La pratique suscite de « nombreuses inquiétudes », ce qui a conduit trois sociétés savantes à s’y opposer. La Société européenne de génétique humaine (ESHG[2]), la Société européenne de reproduction humaine et d’embryologie (ESHRE[3]) et l’American College of Medical Genetics (ACMG) ont publié des déclarations déconseillant la mise en œuvre de ces tests dans la pratique clinique.

Une fiabilité douteuse

Les scores de risque polygénique sont des estimations de la susceptibilité génétique d’un individu à développer une maladie donnée. Ils sont évalués en intégrant « un grand nombre de variantes génétiques », dont chacune a « un faible effet individuel ». Un calcul qu’il faudrait à tout le moins préciser en prenant en compte des facteurs non génétiques, tels que l’environnement, la nutrition et l’activité physique.

En outre, certaines mutations peuvent avoir « des effets opposés sur différents traits », et des variantes génétiques rares dont l’effet est important pourraient induire des erreurs dans le calcul du « score ». Le « score » pourrait par ailleurs indiquer un risque prétendument plus élevé pour certaines pathologies, quand pour d’autres le risque serait plus faible. « Il n’y a pas d’êtres humains parfaits, et les embryons ne font pas exception à la règle. »

Des questions éthiques

Le développement des « scores de risque polygénique » pourrait « conduire à la discrimination et à la stigmatisation envers certaines pathologies », alertent les scientifiques. Des scores susceptibles aussi d’être utilisés pour évaluer des dispositions de l’embryon, comme sa future taille ou intelligence (cf. Vers le tri des embryons selon leur QI ?).

« Les patients peuvent ne pas comprendre pleinement les risques et les limites des tests », pointent Josephine Johnston, directrice de la recherche et chercheuse au Hastings Center, et Lucas J. Matthews, professeur adjoint à l’université Columbia et chercheur au Hastings Center, dans un article publié dans la revue Nature Medicine [4] (cf. DPNI : Traquer, quitte à se tromper). Un risque d’autant plus important si l’évaluation de ces scores devaient intégrer la pratique courante, comme pour d’autres tests de dépistage prénatal (cf. Dépistage prénatal ? Toujours plus).

 

[1] La société californienne MyOme affirme par exemple pouvoir déchiffrer la quasi-totalité du génome d’un embryon de quelques jours : Akash Kumar, Whole-genome risk prediction of common diseases in human preimplantation embryos, Nature Medicine (2022). DOI: 10.1038/s41591-022-01735-0www.nature.com/articles/s41591-022-01735-0

[2] The European Society of Human Genetics

[3] The European Society of Human Reproduction and Embryology

[4] Polygenic embryo testing: understated ethics, unclear utility, Nature Medicine, 2022. DOI: 10.1038/s41591-022-01743-0

Sources : BioNews, Dr Francesca Forzano (21/03/2022) ; Science magazine, Jennifer Couzin-Frankel (21/03/2022) ; Medical Xpress, The Hastings Center (21/03/2022) – Photo : iStock

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