Genre : la Russie condamnée par la CEDH

Publié le 19 Jan, 2023

Dans un arrêt de la Grande Chambre du 17 janvier 2023, Fedotova et autres c. Russie, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime que la Fédération de Russie a failli à son obligation d’encadrer juridiquement la situation des couples de même sexe.

Dans sa décision, la Cour estime que le refus de la Russie de reconnaître les mariages homosexuels viole l’article 8 de la Convention qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale.

Une plainte devant la CEDH

En l’espèce, trois couples de même sexe se voient refuser leur demande de mariage par les autorités russes, et décident de contester cette décision. Après un rejet des juridictions nationales en première instance et en appel, et s’étant vu refuser le droit de former un pourvoi en cassation, les requérants forment trois requêtes, introduites devant la CEDH entre 2010 et 2014, en invoquant la violation de leur droit au respect de la vie privée et familiale.

Le 13 juillet 2021, une chambre de la Cour joint les trois requêtes et confirme une violation de l’article 8 de la Convention. Le 12 octobre 2021, la Russie demande donc un renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre. Après s’être prononcée favorablement sur sa compétence en la matière, et avoir recueilli la volonté de quatre des requérants de poursuivre l’affaire, la Grande Chambre donne raison à ces derniers en pointant du doigt l’absence de cadre juridique mis en place par la Russie.

La nécessité d’une reconnaissance juridique de l’homosexualité ? 

Pour sa défense, la Russie a notamment allégué les valeurs de la « famille traditionnelle », la protection des mineurs par rapport à la promotion de l’homosexualité, ainsi qu’une opinion publique russe majoritairement opposée à une reconnaissance juridique de l’homosexualité.

La Cour confirme une certaine marge d’appréciation des Etats en l’espèce, mais estime que « la démocratie ne se ramène pas à la suprématie constante de l’opinion d’une majorité mais commande un équilibre ». Selon elle, il serait en effet « incompatible avec les valeurs sous-jacentes à la Convention qu’un groupe minoritaire ne puisse exercer ses droits qu’à la condition que la majorité l’accepte ».

De plus, la Cour estime que la protection juridique offerte aux couples homosexuels n’irait en aucun cas à l’encontre des droits en vigueur pour les couples hétérosexuels. Elle rappelle enfin que l’interdiction de promouvoir l’homosexualité auprès des mineurs a déjà été considérée comme préjudiciable par le passé (cf. Loi sur le genre : La Hongrie et la Pologne mises en demeure par l’Europe). Cela ne saurait donc être un argument recevable aux yeux de la Cour.

Une marge d’appréciation des Etats qui tend à disparaître ?

Ce faisant, la CEDH ne tranche pas fondamentalement la question de l’obligation pour la Russie de reconnaître le mariage des personnes de même sexe. Néanmoins, en donnant raison aux requérants sur le motif que la Russie n’a pas prévu un cadre juridique pour les protéger et en condamnant ouvertement les mesures qu’elle a prises à l’encontre de cette « minorité », la CEDH semble tendre peu à peu vers une interprétation de plus en plus restrictive de la marge d’appréciation des Etats. En effet, cette décision incite la Russie à reconnaître le mariage de personnes de même sexe.

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