Fin de vie et handicap : « L’aspect économique ne doit jamais primer »

14 Mar, 2023

Leur voix est rarement relayée, pourtant ils sont parmi les tous premiers concernés. Le Collectif Handicaps qui regroupe 52 associations nationales [1], créé en septembre 2019 « pour défendre les droits des personnes en situation de handicap et de leur famille dans la droite ligne de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées », a publié sa contribution au débat sur la fin de vie.

« Nous pensons qu’il est essentiel de réfléchir aux conséquences d’une loi sur la fin de vie, à partir du point de vue et de l’expérience des personnes les plus vulnérables de notre société, de leur famille et des professionnels qui les accompagnent, notamment pour toutes celles qui n’ont jamais pu s’exprimer et ne peuvent se représenter elles-mêmes », indique le collectif en préambule.

« L’aspect économique ne doit jamais primer »

« Les situations de handicap sont plurielles », rappelle le collectif. Par ailleurs, la notion de la « fin de vie » « n’est pas si simple à définir », soulignent les associations. On ne peut concevoir de réponse toute faite.

Mais, dans tous les cas, « une personne en situation de handicap est un sujet de droit, pas seulement un objet de soins ». Dès lors, il est nécessaire de les informer et de les écouter de façon appropriée, notamment dans le but de recueillir l’expression de leurs volontés. En outre, le collectif insiste sur le besoin de lutter contre les inégalités d’accès aux soins, qui existe aussi en matière de soins palliatifs.

« En aucun cas », il ne faudrait que les décisions d’arrêt des soins se substituent aux soins palliatifs « faute de moyens et d’équipes disponibles ». « L’aspect économique ne doit jamais primer », insistent les associations qui font des recommandations concrètes en matière de moyens et de formation (cf. Son traitement coûte trop cher, elle demande l’euthanasie). Car la méconnaissance du handicap « pèse lourdement » sur la qualité de la prise en charge de ces personnes.

Eviter les « décisions hâtives »

Le document aborde le cas des personnes en état pauci-relationnel. Des personnes qui ne sont pas en fin de vie, les fonctions vitales étant stabilisées [2]. Pour elles, comme plus généralement, il importe de ne pas prendre de « décisions hâtives ».

En effet, « parfois, des patients diagnostiqués sans espérance d’amélioration suite à une décompensation brutale voient leur état s’améliorer avec le temps (cf. France : le médecin la déclare en « fin de vie », elle se réveille et le poursuit en justice). Il faut garder à l’esprit que jusqu’à la fin, on accompagne la vie. »

Ainsi, le collectif recommande de suspendre la décision de limitation des soins « dès que les proches y sont opposés », avant d’entreprendre une procédure de médiation. Pour lui, le rôle de la famille doit être renforcé, ainsi que celui des « professionnels de proximité et du quotidien ». L’avis du médecin traitant de la personne ou du médecin référent de la structure médico-sociale doit aussi être pris en compte. L’objectif étant d’éviter « deux écueils extrêmes » : « l’arrêt de soins imposé ou le maintien en vie à tout prix ».

Quel regard sur la vulnérabilité ?

« Il n’existe pas de critères objectifs permettant de prédire la qualité de vie future et orienter une décision d’arrêt des soins », rappelle le Collectif Handicaps, posant la question du regard de la société sur les situations de vulnérabilité. En particulier, « les associations représentatives des personnes les plus sévèrement handicapées craignent qu’on oublie que “toute vie mérite d’être vécue” ».

Ce débat soulève aussi la question de « l’isolement social des personnes en situation de handicap », estiment les associations. Nécessairement, « le regard qu’un individu pose sur sa place dans la société et dans son environnement de vie pèse sur son choix de continuer ou d’en finir avec la vie » (cf. « La mort ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation »).

Le collectif sera entendu mercredi, lors des dernières auditions menées par la mission d’évaluation parlementaire de la loi Claeys-Leonetti. Le rapport de la mission sera en effet examiné par la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 29 mars.

 

[1] AFEH – AFM-TELETHON – AIRE – ALLIANCE MALADIES RARES – ANCC – ANECAMSP – ANPEA – ANPEDA – ANPSA – APAJH – APF FRANCE HANDICAP – ASBH – ASSOCIATION LES TOUT-PETITS – AUTISME FRANCE – AUTISTES SANS FRONTIERES – BUCODES-SURDIFRANCE – CESAP – CFHE – CFPSAA – CHEOPS – COMME LES AUTRES – DFD – DROIT AU SAVOIR – ENTRAIDE UNION – EUCREA FRANCE – FAGERH – FEDERATION FRANCAISE SESAME AUTISME – FEDERATION GENERALE DES PEP – GNCHR – FFDYS – FISAF – FNAF – FNASEPH – FNATH – FRANCE ACOUPHENES – GEPSo – GIHP NATIONAL – GPF – HYPERSUPERS TDAH FRANCE – LADAPT – MUTUELLE INTEGRANCE – PARALYSIE CEREBRALE FRANCE – POLIO-FRANCE-GLIP – SANTE MENTALE FRANCE – TRISOMIE 21 FRANCE – UNAFAM – UNAFTC – UNANIMES – UNAPEI – UNAPH – UNIOPSS – VAINCRE LA MUCOVISCIDOSE

[2] « Pour nombre de personnes en situation de handicap complexe, l’alimentation/hydratation artificielle est courante et constitue un acte de la vie quotidienne, un soin qui améliore leur qualité de vie », rappelle le Collectif Handicaps. Or, « depuis la loi du 2 février 2016, le code de la santé publique énonce que “la nutrition et l’hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés” sous certaines conditions, qui ne sont pas explicitement précisées », note le Collectif. Il recommande donc que ces conditions soient « précisées ».

Photo : iStock

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