GPA en Italie : le lien de filiation avec le père biologique doit être établi selon la CEDH

Publié le 1 Sep, 2023

Dans l’arrêt de chambre C. contre Italie rendu le 31 août 2023, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) considère que les juridictions italiennes ont violé l’article 8 de la Convention sur le droit au respect de la vie privée et familiale en refusant d’établir le lien de filiation entre la requérante, née par GPA en Ukraine, et son père biologique. Mais, elle soutient que le refus d’établir le lien de filiation avec la mère d’intention n’entraîne pas violation de ce même article (cf. GPA à l’étranger : bientôt déclarée un « crime universel » en Italie ?). L’Italie a toutefois été condamnée à verser à la requérante 15.000 euros pour dommage moral, et 9.536 euros pour frais et dépens (cf. Italie : simplement faire respecter la loi ?).

Dans cette affaire, un couple a signé un contrat de gestation par autrui avec don d’ovocyte en Ukraine en 2018. Leur fille, âgée aujourd’hui de quatre ans, est née en août 2019. Un acte de naissance a aussitôt été établi en Ukraine.

Le refus de transcription de l’acte de naissance

Le 16 septembre 2019, les commanditaires ont demandé à l’officier d’état civil italien de transcrire dans le registre de l’état civil l’acte de naissance de l’enfant. La demande a été rejetée, car contraire à l’ordre public selon le bureau de l’état civil. Après un recours devant le tribunal, ce dernier a également rejeté la demande car « la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ne pouvait conduire à méconnaitre le principe d’incompatibilité de la GPA avec l’ordre public ». Le couple a fait appel de la décision, avant d’introduire une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme le 21 septembre 2021.

Dans sa décision, la Cour rappelle que « le respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité, ce qui inclut la filiation ». Or, n’ayant pas de filiation établie, la jeune fille se trouve « dans un état d’incertitude prolongée quant à son identité personnelle ». Elle est en outre « considérée comme apatride en Italie ».

Reconnaître la filiation paternelle

Se basant sur la jurisprudence antérieure, et notamment sur les arrêts Mennesson contre France et Labassée contre France (cf. GPA et affaire Mennesson : la Cour de Cassation permet la transcription de la mère d’intention sur l’acte de naissance), la Cour a rappelé qu’en vertu de l’article 8 de la convention, le droit interne doit offrir une possibilité de reconnaissance du lien entre un enfant né d’une GPA pratiquée à l’étranger et le père d’intention, s’il s’agit du père biologique. Un « devoir de diligence exceptionnelle » s’impose à l’Etat pour que la durée de l’incertitude soit la plus brève possible. En l’espèce, les juridictions internes ont manqué à leurs obligations, estime la CEDH qui statue sur une violation de l’article 8 en raison de l’absence de reconnaissance du lien de filiation avec le père biologique.

L’adoption pour établir un lien juridique

En revanche, en ce qui concerne le lien de filiation avec la mère d’intention, l’article 8 n’a pas été violé juge la Cour, car cette dernière aurait pu reconnaître juridiquement l’enfant par le biais de l’adoption (cf. GPA à l’étranger : pas de transcription de l’acte de naissance si l’adoption établit la filiation juge la CEDH). Par conséquent, la Cour conclut que « le désir de voir reconnaître un lien entre la requérante et la mère d’intention ne se heurte pas à une impossibilité générale et absolue ».

Dans une opinion partiellement dissidente, le juge Wojtyczek affirme que « la gestation pour autrui, qu’elle soit ou non rémunérée, n’est pas compatible avec la dignité humaine. Elle constitue un traitement dégradant non seulement pour l’enfant mais également pour la mère de substitution. (…) Pareille pratique n’est pas compatible avec les valeurs sous-jacentes à la Convention » (cf. GPA: la CEDH renverse son jugement dans l’affaire Paradiso c. Italie). 

« Il devient de plus en plus urgent d’adopter, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe et au niveau international, des mesures efficaces interdisant cette pratique et instituant des sanctions contre les personnes qui y recourent » conclut-il.

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