A propos des mères porteuses

Publié le 21 Avr, 2009

Père du premier bébé-éprouvette français, le Dr René Frydman s’oppose, dans une interview accordée au Devoir, à toute reconnaissance des mères porteuses. Il est convaincu qu’ "on ne peut pas légaliser ce recours sans légaliser en même temps une certaine exploitation de la femme. Quand bien même la grossesse ne serait pas rémunérée, et quoi qu’en pensent certains idéalistes, être mère porteuse reste le symbole même de l’aliénation".

En légalisant cette "forme d’esclavage", y compris pour quelques femmes "prétendument volontaires", "on ouvre la porte à la reconnaissance de ces couples qui vont en Inde ou dans d’autres pays, là où l’exploitation est sans vergogne". "Il y a toujours eu des aliénés volontaires", "ce n’est pas une raison pour légaliser l’esclavage", ajoute-t-il.

Spécialiste de la reproduction, il rappelle par ailleurs que "porter un enfant n’est pas une pratique sans conséquence". Qu’en est-il des conséquences pour la mère porteuse ? Pour ses enfants qui la verront abandonner l’enfant qu’elle a porté ? Pour son mari qui "dort à ses côtés et voit cet enfant bouger alors qu’il est destiné à autrui" ? "En tant qu’accoucheur, je sais qu’il y a des relations entre le fœtus et la mère qu’on ne peut pas négliger", poursuit-il. Dès lors, comment programmer, "pour des raisons d’un contrat social", l’abandon d’un enfant ?

"Le commerce des enfants a toujours existé", mais, aujourd’hui, dans le cas des mères porteuses, "il se pare (…) d’une caution scientifique", dénonce-t-il.

S’il estime légitime le désir d’enfant, il considère que celui-ci "a des limites qui sont celles de la science et de l’éthique". Légaliser cette pratique reviendrait à "ériger le "droit à l’enfant" en absolu", prévient le Dr Frydman. Et, contre l’individualisme ambiant, "il n’y a pas d’autre garde-fou que la réflexion éthique".

Enfin, il rappelle que "le rôle des médecins n’est pas de répondre à des désirs de convenance ou de fabrication d’enfants, mais éviter des souffrances et des situations médicales. La société doit à tout prix préserver ce rôle. Si elle laisse le médecin entrer dans le marketing ou le business de la fabrication d’enfants, nous sommes cuits !".

Par ailleurs, au Canada, les procureurs de la province de Québec plaideront vendredi prochain auprès de la Cour suprême pour que le Québec ne réglemente pas certains actes liés à la procréation assistée, dont le recours aux mères porteuses. Actuellement, cette pratique est, au Québec, illégale mais pas criminelle.

Dans La Presse, Nathalie Collard pose la question suivante : avoir un enfant est-il nécessairement un droit fondamental ? Jusqu’où devons-nous repousser les limites de l’infertilité ? "Qu’on ne me réponde donc pas des phrases du genre : "c’est une question de choix personnel ou individuel ou encore, qui sommes-nous pour juger ?" C’est le genre de réponse que je ne suis plus capable d’entendre. Comme si nous étions collectivement incapables d’avoir des débats d’idées sans qu’on nous ramène tout le temps au ras des pâquerettes. Et puis les implications d’une telle décision (avoir recours ou pas aux services d’une mère porteuse) ont des répercussions qui dépassent largement l’individu et ses "choix personnels". Un tel procédé a un impact sur l’ensemble de la société, à commencer par l’enfant à naître. Qui se soucie de la façon dont il vivra les conséquences d’une telle naissance ? N’avons-nous pas une responsabilité face à ces enfants ?"

Le Devoir.com (Christian Rioux) 23/03/09 – Cyberpresse.ca 21/04/09

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