« Je suis aujourd’hui extrêmement inquiète pour les professionnels de santé qui sont déjà au bout de leurs ressources, avant même une évolution de la loi », explique Lucile Rolland-Piègue, psychologue de l’équipe mobile de soins palliatifs du CH Rives de Seine. Différents membres du collège des psychologues de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) témoignent de leur préoccupation face à une possible légalisation de l’euthanasie à travers plusieurs contributions.
« Bon nombre de psychologues impliqués en soins palliatifs mais aussi en santé mentale n’accepteront pas que soient abandonnées à une mort certaine, ou plus exactement à une certaine mort, les personnes porteuses de troubles psychiques, que notre société a déjà tenté à de nombreuses reprises d’exclure mais que nous devrions accompagner dignement, sans avoir recours à l’euthanasie », assure Cyrille Le Jamtel, psychologue au sein de la clinique Korian William-Harvey de Saint-Martin-d’Aubigny dans la Manche.
« Un patient peut demander à mourir sans vouloir mourir »
Sigolène Gautier, psychologue clinicienne au sein de l’unité de soins palliatifs du Centre médico-chirurgical réadaptation des Massues à Lyon précise : « Aujourd’hui, le patient qui demande à mourir connaît le cadre législatif. Il est conscient qu’il évoque un acte interdit ». En s’adressant à « un tiers qui a pour mission de soulager, d’accompagner et de ne pas abandonner », la personne qui demande à mourir « ne fait pas un choix ». Elle montre qu’elle veut que sa situation change explique-t-elle.
D’ailleurs, « l’euthanasie ne sera jamais un acte de soin » rappelle Axelle Van Lander, psychologue au CHU de Clermont-Ferrand. Et « d’autant plus que le professionnel ne sera jamais certain du choix ultime du patient ». « Un patient peut demander à mourir sans vouloir mourir », explique la psychologue, insistant sur l’ambivalence des situations de fin de vie.
Un interdit qui pousse à créer des alternatives
L’euthanasie est « clairement en décalage avec la réalité de terrain », affirme Lucile Rolland-Piègue. En effet, l’interdit de la mort médicalement administrée permet au soignant de « continuer à soigner en créant des alternatives à ce passage à l’acte ». Et le protège.
Gaël Cazes, psychologue au CHU Edouard Herriot, dénonce quant à lui un manque de prise en compte des conditions de travail dans le débat actuel. « L’honnêteté intellectuelle demanderait pourtant de se pencher sur ces conditions, sur l’état de notre système de santé et la façon dont est pensée le soin actuellement », juge-t-il.
Source : Hospimedia, Jérôme Robillard (20/04/2023) – Photo : iStock