Le 9 juillet 2020, soit près d’un an après la mort provoquée de Vincent Lambert le 11 juillet 2019, l’avocat général a annoncé que la Cour de Reims examinerait le 11 septembre prochain l’appel intenté par les parents de Vincent Lambert contre la relaxe prononcée à l’égard du médecin de leur fils qu’ils poursuivent pour non-assistance d’une personne en danger (cf. Vincent Lambert : le Docteur Sanchez relaxé par le tribunal). Si « le Dr Sanchez ne peut plus être condamné pénalement » puisque « la relaxe est définitive », le médecin peut encore être condamné à « payer des dommages et intérêts ». Les appelants ont également déposé en janvier dernier un dossier auprès du comité des droits de l’Homme de l’ONU. Ils attendent les conclusions responsives de l’Etat français « qui n’a pas l’air d’être pressé » indique Me Paillot, l’avocat des parents de Vincent Lambert.
« Oui, nous nous acharnons ! Mais qui s’est acharné contre Vincent ? (…) La mort de Vincent est un symbole de la déconfiture de la justice française, une honte pour notre pays. Pourvu qu’elle n’ait pas servi à rien » déclarent les parents de Vincent Lambert.
Emmanuel Hirsch professeur d’éthique médicale vient de publier Vincent Lambert, une mort exemplaire ? (Éd. du Cerf). Il interroge : « En quoi cette mort publique devait-elle être exemplaire ? Il fallait témoigner notre bienveillance à une personne en situation de handicap neurologique, et certainement pas décider des conditions de sa mort légalisée et médicalisée. Quels critères, normes ou autre intérêt supérieur autorisaient la sédation euthanasique d’une personne qui n’était pas en fin de vie ? »
Le professeur rappelle qu’ « en France près de 1800 personnes en état d’éveil non répondant sont accueillies dans 150 structures spécialisées et sont reconnues dans leur projet de vie » avant d’affirmer que « les familles et les professionnels présents à leurs côtés ont été heurtés par les controverses publiques relatives à la dignité ou à l’indignité de l’existence d’une personne handicapée ».
Pour Emmanuel Hirsch, « en démocratie, l’exemplarité relève de principes qui situent les droits de la personne au niveau le plus élevé de nos exigences », or « le parcours chaotique de Vincent Lambert dans les dédales médico-juridiques est exemplaire d’une déroute éthique et politique qui interroge nos valeurs de sollicitude et de solidarité ». Il rappelle qu’ « aucun expert médical n’a admis [que Vincent Lambert] était en fin de vie. Aucune directive anticipée n’a donné à penser qu’il aurait estimé sa mort préférable à son existence handicapée ». Ainsi l’euthanasie de Vincent Lambert obéit à la « mécanique d’un processus de mort annoncée » qu’ « aucun argument n’a pu (…) contrer ».
« Les conditions de la mort de Vincent Lambert dénoncent l’inanité » de « certaines approximations médicales et des arbitrages judiciaires contradictoires ». Or « une démocratie se doit d’être loyale et juste, tout particulièrement lorsque les fragilités humaines attendent de sa part l’affirmation qu’elles sont dignes de considération.»
Pour aller plus loin :
Mort de Vincent Lambert : un obscurantisme d’état ?
Xavier Ducrocq : « Faire mourir Vincent Lambert, c’est enterrer Hippocrate »
AFP (09/07/2020)
Le Figaro, Aziliz Le Corre, entretien avec Emmanuel Hirsch (13/07/2020)