En Argentine, dans un arrêt inédit, la Cour suprême de justice de la Nation a rejeté un recours qui demandait de nier la maternité de la femme qui a porté et donné naissance à un enfant. L’objectif était d’enregistrer deux hommes en tant que parents. Les demandeurs se sont mariés en 2014 et ont signé un contrat de gestation par autrui (GPA) le 4 août de la même année. L’enfant est né le 4 juin 2015.
Pas de « vide juridique »
La plus haute juridiction a estimé que « la demande d’effacement de la mère de l’acte de naissance est en contradiction avec l’ordre juridique actuel ». En effet, dans le système judiciaire argentin, le lien de filiation et l’enregistrement qui en découle sont déterminés par la naissance de l’enfant.
La Cour pointe qu’il n’y a pas de « vide juridique » puisque, même pour les enfants nés en mettant en œuvre des techniques de procréation assistée, l’article 562 du Code civil et commercial de la Nation établit qu’ils sont « les enfants de la personne qui les a mis au monde et de l’homme ou de la femme qui a donné son consentement préalable, éclairé et libre ».
« On peut être d’accord ou non avec la règle en question, mais il n’en reste pas moins qu’un juge ne peut pas déclarer une règle inconstitutionnelle sur la base d’un simple désaccord avec celle-ci », tranche la Cour.
Pas de discrimination
Par ailleurs, la Cour suprême a estimé que la détermination du lien de filiation aux termes de cet article « n’implique pas une ingérence arbitraire dans la vie privée, puisqu’il s’agit d’une réglementation légale d’ordre public fondée sur un critère d’opportunité et de convenance, dont le caractère raisonnable n’a pas été suffisamment remis en cause ».
Elle a également souligné que « la disposition contestée ne discrimine pas les personnes sur la base de l’orientation sexuelle et ne s’oppose pas à la diversité sexuelle ». Dès lors, « elle ne viole pas le droit à l’égalité des plaignants, puisqu’elle ne manifeste aucun but de persécution à l’encontre d’une certaine catégorie de personnes ». L’objet de l’arrêt ne concerne pas le « statut sexuel ou identitaire » des requérants, mais la nature de la filiation.
Enfin, la plus haute juridiction a « estimé nécessaire d’informer le pouvoir législatif de la nation de son prononcé, aux fins qu’il estime appropriées dans le cadre de ses fonctions ».
Des soupçons de trafic
Tout au long du processus judiciaire en première et deuxième instance, il n’a pas été possible d’établir que la femme qui a porté l’enfant avait agi « de manière libre, désintéressée et gratuite », « ce qui laisse planer le soupçon d’un trafic à des fins d’exploitation reproductive et d’un commerce d’enfants ».
Des organisations de défense des droits de l’homme telles que la Déclaration de Casablanca et la Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution œuvrent à l’élaboration et à l’adoption d’un traité international visant à interdire la GPA, à déclarer les contrats nuls et non avenus et à sanctionner les intermédiaires commerciaux (cf. « La GPA est un marché mondial qu’il faut abolir internationalement »).
Sources : Infobae, Susana Medina et María J. Binetti (22/10/2024) ; Corte Suprema de Justicia de la Nación (22/10/2024) – Photo : iStock