Des cabines de télémédecine pourraient bientôt s’installer dans les « petites » gares SNCF. Pour Alexandre Mathieu-Fritz, professeur de sociologie à l’université Gustave Eiffel et chercheur au CNRS, la télémédecine ne règle pourtant pas les inégalités d’accès aux soins.
« Ce n’est pas comme une cabine photo. Il faut prendre cela avec sérieux »
Un « avis de mise en concurrence pour l’installation de cabines de télémédecine dans les halls, les parvis ou les parkings de plus de 1.700 gares en France » vient d’être ouvert. La liste des gares proposées a été établie en tenant compte des « zones les plus sensibles en termes d’accès aux soins ».
D’après les premières estimations, « environ 1.000 cabines pourraient être installées dans les gares françaises d’ici 2024 ».
Les habitants de Saint-Mard, une gare « éligible », sont toutefois réservés. « Je trouve mieux d’aller consulter directement le médecin » indique l’un d’entre eux. « Ce n’est pas fait pour être dans une gare » ajoute un autre. « Ce n’est pas comme une cabine photo. Il faut prendre cela avec sérieux » alerte de son côté une pharmacienne (cf. Téléconsultation chez Monoprix : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce »).
Une prise en charge adaptée ?
Face à la téléconsultation, certains acteurs, comme le Syndicat national des médecins libéraux (SNML) par exemple, s’inquiètent de la qualité de la prise en charge par rapport à une consultation en présentiel (cf. Téléconsultation : « l’enjeu est qu’elle n’entraîne pas de perte de chance pour le patient »). Les médecins expriment « un sentiment de distance sociale, émotionnelle et même cognitive » note Alexandre Mathieu-Fritz. Elle ne leur permet pas toujours de recueillir l’ensemble des éléments nécessaires à leur diagnostic (cf. Téléconsultations : un risque pour le diagnostic ?) .
Certains soignants considèrent ainsi que les téléconsultations sont « plus adaptées au renouvellement d’ordonnance, au suivi de pathologies stabilisées ou aux échanges sur un bilan sanguin » indique le chercheur.
Les institutions comme les instances médicales souhaitent réguler la pratique. Le Conseil national de l’ordre des médecins recommande ainsi notamment que les cabines de télémédecine soient « adossées à des structures d’exercice coordonné et que les téléconsultations soient réalisées par des médecins du territoire des patients » (cf. Téléconsultations : l’Ordre des médecins multiplie les avertissements).
Sept téléconsultations sur dix en zone urbaine
« Beaucoup de promesses ont été associées à la télémédecine, mais la dernière étude sur le sujet montre que sept téléconsultations sur dix concernent des patients en zone urbaine. La télémédecine ne règle donc pas les inégalités territoriales d’accès aux soins » relève en outre Alexandre Mathieu-Fritz. « Elle se heurte aussi au phénomène de l’illectronisme [1], qui concerne 15% des plus de 15 ans » rappelle-t-il.
Des controverses sur l’implantation non régulée de cabines de télémédecine ont eu lieu. « Ce qui pose problème, c’est la régulation à l’échelle locale de l’implantation de ces cabines » note le professeur.
[1] L’illectronisme ou illettrisme numérique est la difficulté, voir l’incapacité à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques en raison d’un manque de connaissance sur leur fonctionnement.
Sources : La gazette des communes, Géraldine Langlois (30/06/2023) ; Pourquoi docteur (23/06/2023) ; France info (21/06/2023) – Photo : Pixabay