Au Canada, neuf prisonniers ont eu recours à l’euthanasie au cours des sept dernières années. Selon les informations fournies par le Service correctionnel du Canada (SCC), 27 prisonniers ont demandé à mourir entre le mois de juin 2016, quand la loi est entrée en vigueur, et le 31 mars dernier.
Seuls trois autres pays – la Suisse, la Belgique et l’Espagne – ont reconnu officiellement un décès par euthanasie pour un prisonnier. Deux d’entre elles ont été pratiquées en février de cette année (cf. Suisse : Un premier cas de suicide assisté en prison). L’autre a eu lieu en 2022 (cf. Espagne : un homme accusé de tentatives de meurtre euthanasié avant son jugement).
Un manque de transparence ?
Jessica Shaw, professeur agrégé à l’université de Calgary, qui a étudié le sujet et soumis une demande d’accès à l’information, s’est dite « préoccupée par le manque de transparence dans la notification des cas et la manière dont les décisions sont prises ». Environ un tiers des demandes des prisonniers ont été approuvées, ce taux est de 81% pour la population générale.
Ivan Zinger, enquêteur correctionnel et donc en charge d’enquêter sur tous les décès de prisonniers fédéraux, déplore de son côté que les euthanasies ne soient pas inclus dans ces enquêtes, en dépit des « nombreuses recommandations de son bureau ».
Vers une augmentation des demandes ?
Des études montrent qu’un nombre croissant de détenus sont âgés de plus de 50 ans, ce qui les expose au risque de cancer et d’autres maladies qui pourraient les rendre éligibles à la mort administrée. En outre 75% des personnes incarcérées dans un établissement fédéral ont reçu un diagnostic relatif à la santé mentale, quand d’autres études montrent que la vie carcérale elle-même peut aggraver les troubles mentaux (cf. Canada : un projet de loi pour retarder d’un an l’élargissement de l’AMM aux maladies mentales).
Quel consentement derrière les barreaux ?
Le Canada est le seul pays au monde à avoir approuvé l’euthanasie comme un « droit pour les prisonniers », avec des lignes directrices sur la manière dont il doit être effectué. Les demandes des détenus sont d’abord adressées à un responsable de la prison, qui décide ensuite si le détenu peut procéder à la demande avec deux évaluateurs médicaux externes. Jessica Shaw craint que certaines procédures, notamment la présence de gardiens lors des rendez-vous, ne poussent les détenus à prendre une décision. Une personne peut-elle donner son consentement de manière adéquate lorsqu’elle est surveillée par un gardien de prison ?, interroge-t-elle. Le choix est-il libre « lorsque tant de ses droits ont été retirés » ?
Dans une étude qu’elle a co-rédigée en 2021, le professeur s’est entretenu avec un détenu, « James », « dont l’identité a été protégée parce qu’il demandait à bénéficier du suicide assisté pour échapper à sa condamnation à perpétuité ». « Il y a plus de 400 délinquants dangereux au Canada », a relevé le détenu. « Alors pourquoi ne pas nous donner une autre option ? Au lieu que les contribuables paient des millions de dollars (pour notre emprisonnement), pourquoi ne pas nous donner la possibilité de nous endormir ? »
Source : CTV, Avis Favaro (03/05/2023) – Photo : Pixabay