Canada : un projet de loi excluant l’accès à l’AMM des personnes atteintes de troubles mentaux rejeté

20 Oct, 2023

Mercredi 18 octobre, la Chambre des communes du Canada a rejeté, à 17 voix près, le projet de loi C 314 proposant d’empêcher les personnes souffrant uniquement de maladies mentales d’accéder à l’« aide médicale à mourir » (AMM).

Les députés ont en revanche considéré qu’une surveillance approfondie du nouvel élargissement de l’AMM (cf. Canada : l’élargissement sans limite de l’« aide médicale à mourir ») était nécessaire pour s’assurer que le système de santé était prêt à gérer les demandes des personnes souffrant de maladies mentales. Le Parlement devra donc réexaminer le texte avant son entrée en vigueur prévue en mars prochain.

« Nous ne soutiendrons pas l’élargissement de l’AMM aux maladies mentales »

« Les conservateurs continueront à se battre pour ceux qui sont laissés pour compte par cette législation, et nous ne soutiendrons pas l’élargissement de l’AMM aux maladies mentales » a prévenu Ed Fast, le député à l’origine du projet de loi qui a été rejeté (cf. Fin de vie : des associations canadiennes sonnent l’alerte).

Lors de la présentation de son texte, le député a rappelé qu’il n’y avait pas de consensus médical sur l’accès à l’AMM des personnes souffrant de troubles mentaux (cf. « Aide active à mourir » : les psychologues inquiets). Il a également fait part de ses inquiétudes quant à la normalisation de « la mort assistée en tant qu’option de traitement alternative » (cf. L’euthanasie devient « une option de fin de vie » au Canada), et au fait que des personnes demandent l’AMM en raison d’autres problèmes, comme le manque de revenus ou de logements adéquats, qui compliquent leurs problèmes de santé (cf. Face au handicap ou à la pauvreté, l’aide médicale à mourir se généralise au Canada).

« Sommes-nous allés trop loin et trop vite avec le programme canadien de suicide assisté ? (cf. Canada : les demandes d’« aide médicale à mourir » ont triplé) Allons-nous évoluer vers une culture de la mort comme option préférentielle pour les personnes souffrant de maladies mentales ou allons-nous choisir la vie ? » a alerté Ed Fast.

Un contrôle plus approfondi

Les personnes dont la seule affection sous-jacente est une maladie mentale devaient avoir accès à l’AMM en mars 2023, date limite initialement prévue. Mais, fin décembre 2022, un nouveau report d’un an a été prévu (cf. Canada : un projet de loi pour retarder d’un an l’élargissement de l’AMM aux maladies mentales). Le Gouvernement avait justifié ce retard par la nécessité de donner plus de temps aux cliniciens pour mettre en œuvre des lignes directrices, ainsi que par le fait qu’un rapport d’un comité parlementaire sur le sujet devait être déposé.

Lorsque ce rapport a été publié mi-février, celui-ci a de nouveau considéré que le recours à l’AMM devrait être étendu aux maladies mentales, mais il a déclaré qu’il fallait surveiller la façon dont le nouveau système serait mis en place (cf. « Aide médicale à mourir » au Canada : des experts dénoncent des recommandations idéologiques). Il a recommandé que le comité soit à nouveau mandaté « pour vérifier le degré de préparation atteint pour une application sûre et adéquate de l’AMM ».

Le texte adopté le 18 octobre donne au comité parlementaire un délai jusqu’au 31 janvier 2024 pour formuler d’autres recommandations et assurer un contrôle plus approfondi avant élargissement de l’AMM.

Les toxicomanes concernés par l’élargissement ?

Lors d’une récente conférence, la question de savoir si l’élargissement de l’AMM devait inclure les personnes toxicomanes a été posée. Le Dr David Martell, médecin responsable du département Addictions Medicine de Nova Scotia Health, considère qu’« il n’est pas juste d’exclure des personnes de [l’accès à l’AMM] simplement parce que leur trouble mental pourrait être en partie ou en totalité un trouble lié à l’usage de substances ». « Il s’agit de traiter les gens sur un pied d’égalité » a-t-il déclaré.

Le médecin reconnait toutefois que faire la différence entre des « tendances suicidaires » ou un « désir raisonné de mourir » sera difficile chez ces patients. Il sera « quasiment impossible » de faire une distinction si la personne est sous l’emprise de drogues ou d’alcool ajoute-t-il.

Zoë Dodd, qui travaille à la réduction des méfaits de la drogue, alerte quant à elle sur le manque de prise en charge de ces personnes. « Il y a des gens qui luttent vraiment contre la consommation de substances et qui ne reçoivent pas réellement le type de soutien et d’aide dont ils ont besoin » prévient-elle.

 

Sources : Toronto star, Stephanie Levitz (18/10/2023) ; Daily Mail, Caitlin Tilley (19/10/2023)

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