La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a accepté d’examiner une requête [1], déposée fin mai, concernant la révocation du mariage homosexuel aux Bermudes, un territoire du Royaume-Uni.
Le premier pays à faire « marche arrière »
En mai 2016, le Registrar General [2] a refusé de traiter une demande d’« autorisation de mariage » faite par un couple de même sexe. La Cour suprême a été saisie d’une contestation. En mai 2017, elle a considéré que le refus de délivrer des « autorisations de mariage » aux couples homosexuels était discriminatoire. Le mariage homosexuel a été introduit aux Bermudes suite à cette décision.
En 2018, après l’élection d’un nouveau gouvernement, la « loi sur le partenariat conjugal » (DPA) a été adoptée. Cette loi a révoqué le mariage homosexuel et l’a remplacé par une disposition sur le « partenariat conjugal ».
L’article 53 de la loi a défini le mariage comme « une union entre un homme et une femme ». Les dispositions de la loi ne s’appliquaient en revanche pas aux mariages entre personnes de même sexe conclus après l’arrêt de la Cour suprême, mais avant la date d’entrée en vigueur de la DPA.
C’est la première fois qu’un pays est ainsi revenu sur la légalisation du mariage homosexuel.
De multiples recours
Cette nouvelle législation a été contestée. Le 6 juin 2018, un jugement a considéré que les requérants étaient victimes d’une discrimination.
Le 23 novembre 2018, la Cour d’appel a également estimé que l’article 53 de la loi était inconstitutionnel car il avait été adopté principalement dans « un but religieux ». « Avant cette loi, les couples de même sexe avaient le même droit de se marier que les couples de sexe opposé » ont fait remarquer les magistrats. Selon eux, l’article 53 a créé une discrimination.
Suite à l’arrêt de la Cour d’appel, les mariages entre personnes de même sexe ont repris en novembre 2018. Mais le procureur général des Bermudes a fait appel devant le comité judiciaire du Conseil privé de Londres.
Celui-ci a accueilli la demande le 14 mars 2022 avec une majorité de 4 voix contre 1. Malgré la dissidence de Lord Sales, la législation a donc été confirmée, et le DPA jugé conforme.
Depuis le 14 mars 2022, les mariages homosexuels ne peuvent plus être célébrés.
Nouvelle question pour la CEDH
Sept requérants, et une église qui organise des cérémonies de mariage, ont alors décidé de saisir la CEDH. Ils estiment être victimes d’une discrimination fondée sur « l’orientation sexuelle » ou la « religion ».
Dans sa jurisprudence, la Cour a jugé à plusieurs reprises que l’article 12 de la Convention laisse les Etats libres de décider d’accorder à un couple de même sexe l’accès au mariage [3]. En revanche, elle ne s’est jamais prononcé dans l’hypothèse où la loi a existé puis a été révoquée, ce qu’ont souligné les requérants.
Une fois introduit dans le droit national, le mariage homosexuel est-il un « droit permanent », ou peut-il être révoqué ? Telle est notamment la question à laquelle la CEDH devra pour la première fois répondre.
[1] Affaire Ferguson et autres c. Royaume-Uni (n° 35043/22)
[2] Le service d’Etat civil
[3] par exemple, Schalk et Kopf Autriche, no 30141/04, §§ 61-62, CEDH 2010, Hämäläinen c. Finlande [GC], no 37359/09, § 96, CEDH 2014 et Oliari et autres c. Italie, nos 18766 /11 et 36030/11, § 192, 21 juillet 2015