Convention citoyenne : l’« aide active à mourir » monopolise le programme

6 Fév, 2023

Lors de l’avant-dernier week-end avant la phase de restitution des travaux, la Convention citoyenne a reçu vendredi le Pr Régis Aubry du CHU de Besançon, président de l’Observatoire national de la fin de vie et co-rapporteur de l’avis 139 du CCNE (cf. Avis du CCNE : en marche vers l'”aide active à mourir” ?).

Son intervention était intitulée « Questions / Réponses sur la sédation profonde et continue ». Le médecin a en effet précisé les contours de la pratique. Evoquant notamment à ce sujet « les personnes en état végétatif chez qui on arrête les traitements », hydratation et nutrition artificielle notamment, il indique que « le décès peut ne pas survenir à court terme » (cf. Emmanuel Hirsch : L’affaire Vincent Lambert, « un échouement éthique et politique dont nous devrions tirer quelques leçons »). Pour Régis Aubry, ces « situations limites » peuvent « justifier une transgression ».

La demande ne reflète pas nécessairement la volonté

Mais le rapporteur du CCNE ne s’est pas contenté de la question de la sédation. Le suicide assisté a aussi occupé une large part des échanges.

Relayant l’avis du CCNE, le professeur explique que « l’aide active à mourir doit répondre à une demande ». Mais seulement « si elle correspond à la volonté ». En effet, comme devant la mission parlementaire présidée par Olivier Falorni (cf. Alain Claeys : « En parlant d’aide active à mourir on change de paradigme »), Régis Aubry revient sur les ambivalences du patient en fin de vie. « La demande peut évoluer, venir de ce qu’on renvoie à la personne, du sentiment d’indignité », souligne-t-il, illustrant son propos par ce que l’on observe dans l’Oregon. Dans cet Etat américain, plus du tiers des personnes qui demandent à ce qu’on leur prescrive une substance létale ne se la procure pas. Et parmi celles qui l’ont obtenue, un tiers ne se l’administre pas in fine, précise le professeur.

Le Pr Aubry revient également sur la place des soignants qu’il voudrait bien exonérer du geste mortel. « Etre à la fois celui qui soigne et celui qui administre un produit létal » est « ambigu », estime-t-il. D’ailleurs la fin de vie est-elle vraiment un événement médical ?, interroge le médecin.

En dépit de ce qu’il laisse transparaitre dans ses propos, Régis Aubry affirme que, sur ces sujets, il faut rester « humble ». « Celui qui a des certitudes sur ces questions est un homme dangereux. »

Un débat orienté ?

Samedi, les conventionnels ont été invités à échanger en groupes sur les quatre « nœuds du débat » : « l’ouverture de l’accès à l’aide active à mourir », la « mise en œuvre de l’aide active à mourir : décision, contrôle, organisation », la « forme de l’aide active à mourir[1] » et la « pleine application du cadre actuel et accompagnement de la fin de vie repensé ». Trois thèmes sur quatre ainsi dédiés à l’« aide active à mourir ». « Si vous ne reconnaissez pas les priorités exprimées par les citoyens eux-mêmes dans leurs précédentes délibérations, c’est normal. Les organisateurs en auront décidé autrement », commente Erwan Le Morhedec sur twitter (cf. Convention citoyenne : 346 « propositions » sur la fin de vie; Convention citoyenne : début (et fin ?) de la délibération).

Dimanche, les 184 conventionnels ont débattu en séance publique. Encore sur une éventuelle légalisation de l’« aide active à mourir » en France. Faisant émerger des positions finalement « beaucoup plus partagées et subtiles que ne le laissent supposer les sondages qui plébiscitent régulièrement un “droit à mourir” » [2].

Désormais les participants n’ont plus qu’une session de « délibération » avant de tenter d’« harmoniser » leurs avis lors de la dernière phase de la Convention. Et de soumettre des recommandations au Gouvernement qui publiait vendredi un communiqué de presse affirmant que « la prévention du suicide est une priorité pour le ministère de la Santé et de la Prévention ».

 

[1] Autrement dit euthanasie, suicide assisté, ou les deux

[2] La Croix, Antoine d’Abbundo, Fin de vie : la Convention citoyenne se penche sur la délicate question de l’aide active à mourir (05/02/2023)

95 conventionnels se sont prononcés en faveur d’une « ouverture » à l’« aide active à mourir » sous conditions, 41 pour une ouverture inconditionnelle. Seuls 27 participants s’y sont opposés. 2 sont restés « indécis ».

101 participants sont favorables à l’euthanasie et au suicide assisté, 30 au suicide assisté seul, 5 à l’euthanasie seule. 25 conventionnels sont opposés aux deux procédures, et 4 ne se sont pas prononcés.

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