Si la fin du XXe siècle consacrait l’ère de la postmodernité, le début du millénaire aura été celui de l’hyper-modernité, « caractérisée par les notions d’hubris, de démesure, d’hyperindividualisme », explique Elsa Godart, philosophe et psychanalyste. Aujourd’hui, nous sommes passés à l’ère de la cybermodernité, c’est-à-dire « le moment où le sujet intègre la machine à son fonctionnement. Le ‘moi digital’ est l’addition du moi réel, celui du conscient et de l’inconscient, et du moi virtuel, l’avatar ».
Métamorphose, simple changement de forme, ou mutation ? Pour la philosophe, « les technologies immersives sont une mutation, c’est-à-dire que l’on va réellement les intégrer à ce que l’on est au point que cela modifie notre comportement en profondeur ». Pour elle, « le problème n’est pas que l’intelligence artificielle prenne le pas sur l’homme, mais que l’homme devienne une machine, un automate et que dans cette mutation, il perde son libre arbitre, sa faculté de jugement ».
Aujourd’hui, « la frontière entre le réel et le virtuel est floutée par le virtuel ». Elle ajoute : « L’individu s’identifie à son avatar, qui est une subjectivité augmentée ». Elle interroge sur « l’effacement des limites », mais aussi sur des changements de paradigme. Tout d’abord, on quitte la « logique du présent » pour entre dans cette de « l’instant ». « L’angoisse n’est plus celle de la mort » : « je nais et je meurs sans arrêt ». On passe de la parole aux images, dans une « culture du zapping où la pensée est en retrait », de la « société du divertissement » à celle de « l’indifférence où tout se vaut, tout est sur le même plan, il n’y a plus de hiérarchie de valeurs ».
Malgré tout, « les technologies immersives sont un fantastique outil de création, d’apprentissage et de connaissance » où il reste possible de « conserver une unité de soi ».
Le Monde (03/09/2019) – “L’individu s’identifie à son avatar, qui est une subjectivité augmentée”
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