Démographie et économie

Publié le 22 Jan, 2008

La Croix consacre un dossier à la démographie et au développement.

Michel Kubler constate que, dans certaines régions du monde et surtout en Afrique, "on a le sentiment troublant que, plus il y a d’enfants, moins avance le développement…". Mais, l’un est-il lié à l’autre ?, s’interroge-t-il. "Faut-il surtout se réjouir de la belle jeunesse que cette démographie à la hausse conserve à un continent par ailleurs bien peu favorisé, ou se désoler d’une spirale de sous-développement entretenue par une incapacité à maîtriser la natalité ?" L’extension systématique des moyens de contraception serait-elle la seule solution pour parvenir à maîtriser la natalité ? Pour Michel Kubler, ces questions ne sauraient avoir de réponses univoques et, "au bout du compte, c’est la notion même de développement qui pourrait se voir ainsi revisitée". Le modèle occidental pourrait ainsi ne plus être la référence en la matière et cette notion de développement pourrait bien intégrer, outre les progrès dans le domaine de la santé et de l’éducation, "la capacité des peuples à définir eux-mêmes les valeurs servant de critères à leur croissance".

Le quotidien cite l’exemple de l’Afrique subsaharienne où la transition démographique tarde. Les politiques de contrôle des naissances n’ont ici pas prouvé leur efficacité : se limitant trop souvent à la seule distribution de contraceptifs ou à l’aide à l’avortement, elles n’ont pas pris en compte la scolarisation et l’éducation des filles. Pourtant, l’éducation des jeunes filles retarde souvent l’âge du mariage et donc celui de la maternité et les aide à maîtriser leur fécondité.

Sur le terrain, les acteurs s’attachent donc à sensibiliser les familles à ces démarches et à ne pas en exclure les hommes. "Nous disons à nos paroissiens qu’il ne faut pas faire des enfants uniquement parce qu’on a la possibilité d’en faire. Avoir des enfants sans être à même de les aider à devenir des hommes, cela n’a pas de sens. Nous essayons d’être lucides là-dessus et cette question est abordée dans notre pastorale familiale, notamment lors de la préparation au mariage", témoigne un prêtre tchadien.

Il est nécessaire aussi de tenir compte du fait, qu’en Afrique, les femmes ne se plaignent jamais d’avoir trop d’enfants. "(…) En Afrique l’enfant est une richesse. Si elles se plaignent, c’est de leur santé, de la fatigue, de la douleur de l’excision qui crée un choc lors des maternités", raconte Odile Bonte, secrétaire générale de l’Association pour la formation en développement humain (Asfodevh). "Ici, la femme qui a des enfants est vraiment valorisée, et leur dire qu’elles doivent avoir moins d’enfants est ressenti comme une atteinte à la culture et à la vie", ajoute Honoria Akogbeto, coordinatrice de la cellule Asfodevh au Bénin.

Mais, en Afrique, la natalité ne se cantonne pas au domaine privé : les politiques de développement souffrent en effet d’une certaine injustice sociale et d’un manque de partage des ressources qui, si elles étaient mieux gérées, pourraient faire sensiblement reculer les inégalités et améliorer le sort des femmes…

La Croix se penche ensuite sur le cas philippin où une dizaine de femmes des quartiers pauvres de Manille vont, soutenues par l’association Likhaan "de défense des femmes", porter plainte devant la Cour suprême contre la mairie de Manille qui, en 2000, a exclut la contraception artificielle du planning familial de la ville. Pour José Atienza, ancien maire à l’origine de cette directive, cette dernière avait pour but de promouvoir le "planning familial naturel, non seulement comme une méthode, mais comme un moyen d’éveil et de promotion de la culture de vie". L’association Likhaan estime, elle, que cette interdiction est "une forme de coercition".

Cette initiative suit la politique nationale instiguée par Gloria Arroyo, à la tête du pays depuis 2001. L’agence américaine pour le développement (USAID), qui distribuait des contraceptifs gratuitement depuis 30 ans, devrait arrêter ce programme cette année. Dans les quartiers populaires, les membres de l’Eglise incitent les familles à accueillir le don de la vie et enseignent aux couples "le respect du corps de chacun, pour réussir à pratiquer l’abstinence".

Alberto Romualdez, ministre de la Santé philippin de 1998 à 2001, pointe du doigt une croissance démographique de près de 2% par an, qui empêcherait le pays de se développer : "2 millions de nouveaux bébés chaque année, c’est 2 millions de places dans les écoles et les hôpitaux à trouver. Cette expansion va plus vite que notre économie".

Pour Mgr Pedro Quitorio, porte-parole de la Conférence épiscopale, "la surpopulation est un problème, mais n’est pas LE problème des Philippines". "Le problème est la mauvaise gouvernance. Il n’y a rien à distribuer, car le gouvernement vole tout l’argent du peuple", explique-t-il.

Selon La Croix, cette situation crée des problèmes de santé et notamment un nombre important d’avortements clandestins. Selon l’Institut Guttmacher, plus de 475 000 avortements seraient pratiqués, dans des conditions dangereuses, chaque année aux Philippines…

Fatou Sow, sociologue (université Cheikh Anta Diop de Dakar), chargée de recherche CNRS à l’université Paris Denis-Diderot et co-auteur de Notre corps, notre santé : la santé et la sexualité des femmes en Afrique subsaharienne (Ed. L’Harmattan, 2004), estime qu’"un travail énorme d’éducation, d’aide à la contraception, doit être fait, visant les femmes pour les aider à comprendre que le contrôle de leurs corps vient d’elles d’abord". "Il faut mettre cette priorité dans toute politique de natalité."

Docteur en démographie et professeur à l’Institut de formation et de recherches démographiques de Yaoundé, Gervais Beninguisse estime que les politiques de démographie en Afrique "ont évolué de façon plus positive" et que "les pays sont allés vers plus d’interventionnisme". Pour lui, il est nécessaire que des politiques démographiques adaptées ciblent en priorité les jeunes filles : "si on adopte une politique vis-à-vis des jeunes, par l’éducation et la prévention, on peut promouvoir auprès d’eux une vie sexuelle moins risquée, en leur apprenant à se protéger des MST et des grossesses non désirées." "Dans un contexte de pauvreté, le recours à des avortements non sécurisés cause encore plus de problème de santé d’abord, mais aussi de déperdition scolaire et de rejet social", poursuit-il. Il déplore que les politiques de planning familial n’aient pas de services spécifiques pour les jeunes, filles et garçons…

La Croix (Sébastien Farcis) 22/01/08

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