Déni de grossesse et infanticide : questions sur le désir d’enfant

Publié le 30 Août, 2010

Dans une tribune accordée à Libération, Jacques Dayan, psychiatre et docteur en psychologie, revient sur les récentes affaires d’infanticide qui ont attiré l’attention sur le déni de grossesse. Mais il note que "si le déni représente en effet un risque incontestable d’infanticide, le lien entre les deux événements est plus ténu qu’on le pense généralement : moins de 1% des dénis de grossesse mènerait au passage à l’acte homicide."

Le déni de grossesse a été reconnu par Gould, en Angleterre, en 1898, mais on y accorde vraiment intérêt qu’avec le développement de la psychanalyse. Le terme de déni, approximativement traduit de l’anglais, désigne les mécanismes qui consistent à refouler ou exclure hors de la conscience les représentations déplaisantes ou intolérables. Dans les cas de dénis de grossesse totaux ou complets, la femme ne prend pas conscience de sa maternité avant les derniers jours de la grossesse, voire lors des douleurs du travail ou même seulement lorsque l’enfant est né. Le corps ne s’est généralement que peu modifié. La fonction principale du déni est de protéger l’enfant en permettant à la grossesse de se dérouler jusqu’à son terme quant bien même les circonstances seraient défavorables. "L’enfant est alors presque toujours en bonne santé et les relations entre la mère et l’enfant, bien que peu étudiées, semblent bonnes après un délai nécessaire à la mise en place des processus d’attachement". Dans 10% des cas seulement, le déni peut conduire au crime qui ne concerne généralement qu’un seul enfant. Les mères qui vont jusqu’au geste infanticide sont celles qui se trouvent dans une situation d’isolement social ou familial, d’hostilité de l’environnement, de précarité ou de faible niveau culturel.

De manière plus générale, trois positions théoriques peuvent expliquer l’infanticide et notamment l’infanticide à répétition : soit il s’agit d’un crime ordinaire ou la mère est coupable ; soit la mère présente un trouble psychiatrique subtil ; soit enfin il existe un fonctionnement psychique particulier des mères autour de la naissance qui contribue à réduire leur responsabilité. Un pédiatre et psychanalyste anglais, Winnicott, remarque ainsi que les mères présentent des bouleversements psychiques autour de la naissance, qu’il compare à "un état de repli ou à une fugue, ou même encore à un trouble plus profond tel qu’un épisode schizoïde, au cours duquel un aspect de la personnalité prend temporairement le dessus." "Cet état psychique, qui serait pathologique en toute autre circonstance, serait selon lui, la ‘condition de l’adaptation sensible et délicate de la mère aux tout premiers besoins du bébé’. Il semble concevable que certains crimes maternels résultent de l’absence de cette folie ‘nécessaire’". On a également remarqué que des impasses dans la filiation, des viols ou de la négligence durant l’enfance sont souvent des facteurs de désarroi de la mère infanticide.

"Quoi qu’il en soit, le déni et l’infanticide, ces deux manifestations extrêmes de femmes qui n’ont pas désiré être mères, s’en sont senties incapables ou ont refusé de l’être, interrogent la société sur le désir d’enfant, les mécanismes psychiques qui y président et les conditions qui les rendent possibles".

Libération (Jacques Dayan) 24/08/10

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