Dépister les maladies génétiques en anténatal : atout ou aliénation ?

Publié le 12 Jan, 2017

Le Dépistage Prénatal Non Invasif (DPNI) par simple prise de sang maternel précoce[1] ouvre des possibilités diagnostiques considérables : il s’agit de détecter des fœtus porteurs d’anomalies génétiques. Aujourd’hui réalisé pour le dépistage de la trisomie 21, il pourrait être élargi à d’autres maladies génétiques telles que la myopathie, l’hémophilie ou la maladie de Huntington. Des chercheurs chinois de l’université de Hong Kong ont ainsi testé la technique sur treize embryons[2], recherchant certaines maladies génétiques de façon ciblée. Une première, qui devra être confirmée par d’autres équipes. Toutefois, l’idée de généraliser le principe du DPNI à un certain nombre de maladie interroge.

 

Le DPNI, un « outil de dépistage sans risque des anomalies génétiques » ?

 

Une simple prise de sang, un diagnostic précoce, l’absence de risque de fausse couche qui existe avec l’amniocentèse sont autant d’atouts pour le DPNI. Il est ainsi réalisé dans certains cas particuliers avec une visée thérapeutique et a permis d’améliorer la prise en charge de l’immunisation fœto-maternelle, ou de l’hyperplasie congénitale des surrénales.

 

Cependant si le DPNI représente une prouesse scientifique et technique, seule sa finalité thérapeutique est synonyme de progrès médical. Or, l’exemple du dépistage prénatal de la trisomie 21 laisse présager du pire. En France, l’équation « dépistage-diagnostic-IMG » de la trisomie 21 semble inéluctable.

 

Dépister plus précocement pour éliminer plus : le risque de surenchère dans la traque des maladies génétiques est bien réel. En outre, l’Etat envisagera-t-il des programmes de recherche sur tel ou tel déficit génétique si on peut les dépister en prénatal et éliminer précocement le fœtus porteur détecté ? Ce dépistage n’entrainera-t-il pas une stigmatisation des populations de malades ?

 

Si la science et la technique sont neutres, leurs applications ne le sont pas. Le DPNI sera-t-il employé pour traiter ou pour éliminer les maladies génétiques ? « La deuxième éventualité est malheureusement la plus plausible dans le contexte actuel avec pour résultat un ‘eugénisme préventif’ car très rares sont les possibilités de traitement prénatal – préventif ou curatif – après un DPNI qui se révèlerait positif »[3].

 

 

[1] Autour de 7 semaines d’aménorrhées.

[2] Universal Haplotype-Based Noninvasive Prenatal Testing for Single Gene Diseases, Winnie W.I. Hui, Peiyong Jiang, Yu K. Tong, Wing-Shan Lee, Yvonne K.Y. Cheng, Maria I. New, Rezan A. Kadir, K.C. Allen Chan, Tak Y. Leung, Y.M. Dennis Lo, Rossa W.K. Chiu – DOI: 10.1373/clinchem.2016.268375 Published December 2016.

[3] Docteur Patrick Leblanc, gynécologue obstétricien à Béziers, conférence en janvier/février 2012.

 

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