Des chercheurs de l’université de Santa Barbara ont dressé « la toute première carte du cerveau humain au cours d’une grossesse ». « Nous voulions examiner la trajectoire des changements cérébraux spécifiquement pendant la grossesse », explique Laura Pritschet, auteur principal d’un article publié dans Nature Neuroscience [1]. Des études antérieures avaient pris des clichés du cerveau avant et après la grossesse, mais jamais nous n’avions observé le cerveau d’une femme enceinte « en pleine métamorphose ».
Pour ce faire, les scientifiques ont effectué des scanners du cerveau d’une femme espacés de quelques semaines, en commençant avant la grossesse jusqu’à deux ans après l’accouchement. Les données révèlent des changements dans la matière grise et la matière blanche du cerveau au cours de la grossesse, ce qui suggère que « le cerveau est capable d’une étonnante neuroplasticité jusqu’à l’âge adulte ».
Une diminution de la matière grise
Les changements « les plus prononcés » concernaient une diminution du volume de la matière grise corticale, la partie extérieure « ridée » du cerveau. Ce volume diminue lorsque la production d’hormones augmente pendant la grossesse. Ce qui « n’est pas nécessairement une mauvaise chose », indiquent les scientifiques.
Ce changement pourrait indiquer un « réglage fin » des circuits cérébraux, à l’instar de ce qui se produit chez tous les jeunes lorsqu’ils traversent la puberté et que leur cerveau « se spécialise ».
Une augmentation transitoire de la matière blanche
De manière « moins évidente mais tout aussi significative », les chercheurs ont constaté une augmentation « importante » de la matière blanche, située plus profondément dans le cerveau et généralement responsable de la facilitation de la communication entre les régions cérébrales. Alors que la diminution de la matière grise a persisté longtemps après l’accouchement, l’augmentation de la matière blanche a été transitoire, atteignant son maximum au cours du deuxième trimestre et revenant aux niveaux d’avant la grossesse « à peu près au moment de l’accouchement ».
Selon les chercheurs, ce type d’effet n’avait jamais été observé auparavant, ce qui permet de mieux estimer à quel point le cerveau peut être dynamique dans un laps de temps relativement court.
Améliorer « notre compréhension globale du cerveau humain »
« Le cerveau maternel subit un changement chorégraphié tout au long de la grossesse, et nous sommes enfin en mesure de le voir se dérouler », se réjouit le professeur Emily Jacobs, responsable du laboratoire. « Ces changements suggèrent que le cerveau adulte est capable de subir une période prolongée de neuroplasticité, des changements cérébraux qui peuvent favoriser les adaptations comportementales liées à l’éducation des enfants. »
Pour Laura Pritschet, les neurosciences de la grossesse ne doivent pas être considérées comme un sujet de recherche de niche, car les résultats générés dans ce domaine « approfondiront notre compréhension globale du cerveau humain, y compris de son processus de vieillissement ».
L’ensemble de ces données en libre accès servira de point de départ à de futures études visant à comprendre si l’ampleur ou le rythme de ces changements cérébraux recèlent des indices sur le risque de dépression post-partum, une affection qui touche environ une femme sur cinq.
[1] Laura Pritschet et al, Neuroanatomical changes observed over the course of a human pregnancy, Nature Neuroscience (2024). DOI: 10.1038/s41593-024-01741-0.
Source : Medical Xpress, University of California – Santa Barbara (16/09/2024)
