Des gamètes humains artificiels créés à partir de cellules souches

Publié le 5 Jan, 2015

Le 24 décembre dernier, la revue Cell a publié les résultats des travaux d’une équipe de chercheurs de l’Institut Weizmann de Rehovot en Israël. Ils ont réussi à obtenir des cellules germinales primordiales humaines, précurseurs des ovocytes et des spermatozoïdes, en les dérivant de cellules souches pluripotentes humaines, qui avaient été modifiées à cet effet afin qu’elles aient une pluripotence plus forte (dite « naïve » ou « fondamentale »).

 

L’article de Cell dont il s’agit vient de scientifi ques (Jacob Hanna, Azim Surani) qui travaillent depuis des années sur les cellules souches et plus particulièrement sur les questions plus fondamentales de diff érenciation et de reprogrammation. L’article ne vise pas une perspective d’application aux infertilités, mais plutôt une meilleure connaissance des phénomènes génétiques, épigénétiques et cellulaires, mis en jeu dans la formation de la lignée germinale, dans l’embryon.

 

Le scientifique japonais Mitinori Saitou et ses collaborateurs avaient pu obtenir chez la souris, en 2012, des cellules germinales primordiales en appliquant un facteur appelé « BMP4 » à des cellules « iPS » (cellules souches pluripotentes induites) qui sont des cellules de la peau reprogrammées pour avoir la totipotence d’une cellule embryonnaire. Ces cellules germinales primordiales pouvaient donner des spermatozoïdes lorsqu’on les greff ait dans des testicules de souriceau, et des oeufs lorsqu’on les greff ait dans les ovaires d’une souris. La production artifi cielle de sperme et d’oeufs à partir des cellules iPS (donc de la peau humaine) paraissait alors à portée de main, et les spécialistes s’en étaient émus. Mais les eff orts pour reproduire cette technologie chez l’homme n’avaient pas réussi : on n’avait pu obtenir à partir des iPS que quelques cellules germinales primordiales et l’aff aire en était restée là.

 

De nouvelles recherches
Azim Surani, Jacob H.Hanna et leurs collaborateurs ont pensé que cette diff iculté était due au fait que les cellules souches pluripotentes
humaines (cellules souches embryonnaires ou cellules iPS) ont une pluripotence plus faible (dite « engagée ») que les
cellules souches pluripotentes de souris (qui ont une pluripotence dite « naïve » ou « fondamentale »). Pour contourner cette diff iculté, ils ont donc appliqué à des cellules souches pluripotentes humaines un milieu spécial, le « medium 4 », qui a transformé ces cellules en cellules pluripotentes de type « naïf », comme le sont les cellules souches pluripotentes de souris. Et ils ont publié ce résultat en 2013.
Puis ils sont passés au stade suivant et ont appliqué la méthode de Mitinori Saitou à ces cellules pluripotentes humaines de type « naïf ». Et ils ont bien obtenu les cellules primordiales germinales humaines « artificielles » qu’ils espéraient. C’est cette réussite qu’ils publient aujourd’hui dans la revue Cell. Toutefois, si A. Surani et ses collègues avaient bien prévu d’arriver à ce résultat, une surprise leur était tout de même réservée : car le facteur qui préside à l’orientation des cellules vers la lignée des cellules primordiales germinales, chez l’homme, SOX17, n’a pas ce rôle chez la souris.

 

La réussite d’A.Surani et de ses collègues n’est qu’une première étape sur la route menant à l’obtention de spermatozoïdes et d’ovocytes humains à partir des iPS. Il est probable que ces chercheurs poursuivent maintenant leur étude en explorant les stades suivants de la gamétogénèse, avec le passage des cellules primordiales germinales aux cellules mûres de la reproduction. Mais J.H.Hanna a déclaré que ni lui, ni ses collaborateurs, ne se jugeaient prêts « à faire ce plongeon » chez l’homme à cause des trop grandes inconnues que comporterait l’introduction de sperme et d’oeufs « artificiels » dans le domaine humain.

 

Des conséquences éthiques
La possibilité de produire des gamètes fonctionnels des deux sexes génétiques à partir d’iPSCs humaines est de fait préoccupante. Elle est hautement discutable sur le plan éthique. Elle ouvre la porte non seulement au « clonage reproductif », universellement condamné, mais que bien peu de législations interdisent, mais encore à tous les fantasmes reproductifs qui peuvent passer par l’imaginaire humain : depuis l’enfant pour couples homosexuels jusqu’à l’enfant sans parent commandité par quelque entreprise et mis au monde par une « grossesse pour autrui ». De plus, comme les cellules somatiques destinées à être reprogrammées en iPSCs pour en faire des gamètes pourraient être obtenues subrepticement d’une personne non volontaire, à son insu, il serait possible par ce moyen à une personne célibataire d’avoir un enfant d’un donneur sans que celui-ci le sache. Le grand perdant, comme toujours dans le domaine des procréations artificielles, sera l’enfant à qui sera imposé une entrée dans le monde sans tenir compte de sa liberté et de ses droits.

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