A l’occasion de la campagne présidentielle, deux campagnes sur la fin de vie se font face. Avec deux visions radicalement différentes.
« Convention citoyenne », volonté assumée de légaliser l’euthanasie ou refus de hâter la mort, les différents candidats à l’élection présidentielle prennent position sur le sujet de la fin de vie. La prochaine limite à abolir.
Dans ce contexte, les visions s’affrontent et certains lobbys essaient de peser. Ainsi, l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD), fervente promotrice de l’euthanasie depuis de nombreuses années, a lancé une campagne à destination des candidats à la magistrature suprême. « On va tous mourir. » A l’opposé du constat, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) interpelle elle aussi les candidats. Sa proposition ? « Osons vivre ! »
Deux visions anthropologiques #
« Le parti euthanasique ne comprend pas les enjeux anthropologiques de son combat, estime l’essayiste Damien Le Guay, auteur de Quand l’euthanasie sera là… Il croit lutter contre les souffrances humaines mais fait tout pour en renforcer d’autres – celle d’un individu, seul à seul avec lui-même, qui doit décider de tout y compris de l’heure de sa mort [1] ».
A l’inverse, la fin de la vie est un appel à renoncer à la maîtrise, à la volonté de toute-puissance. Y compris pour le médecin.
L’invitation à renoncer à la toute-puissance #
« La survenue de la mort peut facilement apparaitre comme un échec, une erreur, une insuffisance, une démission de la médecine et de ses médecins, souligne le professeur Xavier Ducrocq [2]. Or nous ne sommes pas éternels sur cette terre. Et la médecine doit savoir renoncer quand la nature, à un moment, reprend le dessus sur elle. »
A ceux qui invoquerait un supposé « acharnement thérapeutique » pour légitimer l’euthanasie, le médecin répond qu’« euthanasie et obstination déraisonnable ne sont que les deux faces d’une même illusion, ou dérive : maîtrise de la vie à tout prix justifiant l’obstination déraisonnable, maîtrise de la mort, à tout prix, justifiant l’euthanasie et le suicide assisté ».
La fin « plus importante que la vie » ? #
Comme le reconnaît l’ADMD avec son slogan, « pour la fin de vie, la fin est plus importante que la vie », pointe Damien Le Guay. Car « la fin coûte cher, la vie désormais a un prix ». Et même si au départ, c’est ma volonté comme seul maître qui sera invoquée, finalement, certains « seront conduits à accepter l’euthanasie par résignation, par une forme de reddition peut-être aussi au discours ambiant sur la mort digne », affirme l’avocat Erwan Le Morhedec, auteur de l’essai Fin de vie en République [3].
Comment oser assumer ce risque ? interroge-t-il. Comme se résoudre « à cet abandon de notre humanité, qui ne voit plus d’autre solution que dans l’administration de la mort » ?
« On va tous mourir. » Certes. Mais face à l’inéluctable, deux choix sont possibles. La mort plus tôt, trop tôt. Ou la vie. Jusqu’au bout.
[1] Gènéthique, Euthanasie : « Une nouvelle morale s’instaure : celle de l’abnégation sociale, de ma mort au profit du collectif » (14/03/2022)
[2] Gènéthique, “Euthanasie et obstination déraisonnable ne sont que les deux faces d’une même illusion” (17/03/2022)
[3] Gènéthique, Euthanasie : « la ligne d’arrivée de cette course à l’émancipation, c’est l’isolement et la solitude » (24/03/2022)
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