Dons de gamètes : aux Etats-Unis des influenceurs vantent leur « passe-temps » lucratif

Publié le 22 Oct, 2024

« Inspirée » par une influenceuse américaine de 19 ans, la TikTokeuse Gigi Juliana a elle aussi décidé que le don d’ovocytes serait son « prochain passe-temps ». Avec plus de 24 millions de vues et des centaines de milliers de partages, la vidéo est devenue virale. Dans les commentaires, des jeunes femmes déclarent vouloir, elles aussi, donner leurs gamètes « pour financer une voiture, des vacances » ou « simplement pour gagner de l’argent ». Aux Etats-Unis, le don d’ovocytes est généralement rémunéré 12 000 par cycle. Les hommes peuvent quant à eux toucher jusqu’à 1500 dollars par mois (cf. Don de sperme : “Be your own boss&” !).

Après sa première vidéo, un nouveau post de Gigi promouvait une agence et une banque d’ovocytes en Californie. Une « collaboration » rémunérée.

Une « procédure médicale complexe, souvent risquée » banalisée

Ce type de vidéo est signalé par des personnes conçues avec un don de gamètes, qui se mobilisent elles aussi sur les réseaux sociaux. Elles dénoncent le danger d’être exposées à un risque d’« inceste accidentel » en raison de dons multiples dans une même région (cf. Son père a « vendu 500 fois son sperme », il est obnubilé par le spectre d’un inceste). Aux Etats-Unis, le nombre de dons n’est pas encadré. Seules des recommandations existent, émises par l’American Society for Reproductive Medicine.

Par ailleurs, les vidéos d’influenceurs minimisent les risques encourus par les donneurs. Elles « banalisent une procédure médicale complexe, souvent risquée, en la présentant comme un acte anodin, amusant, voire glamour et lucratif ». Or, les dons d’ovocytes impliquent des injections de fortes doses d’hormones, avec des risques « réels et potentiellement graves », souligne l’American Society of Reproductive Medicine. Certaines donneuses développent un « syndrome d’hyperstimulation ovarienne » (cf. Syndrome d’hyperstimulation ovarienne : Décès d’une femme de 23 ans[1]. En outre, « des complications graves, telles qu’infections, hémorragies, perte d’un ovaire ou lésions d’organes reproducteurs, peuvent également affecter la fertilité future de la donneuse ».

L’American Society for Reproductive Medicine préconise que les donneurs de gamètes soient âgés d’au moins 21 ans et que ceux âgés de moins de 21 ans fassent l’objet d’une évaluation psychologique préalable (cf. Don de gamètes : l’ABM recrute à la sortie des facs).

« Pour une telle somme, on devrait vous fournir des informations fiables et exactes »

La rémunération des dons peut en outre conduire les donneurs à occulter certaines informations. Ce sont eux qui déclarent tout problème médical, « sans contrôle systématique de la part des banques, hormis des tests génétiques de base ».

Romi Slossberg a eu recours à un donneur de sperme via la Seattle Sperm Bank, une banque trouvée via une recherche Google. Elle a sélectionné le donneur « en s’appuyant sur un dossier succinct ». Après avoir dépensé 10 000 dollars pour les gamètes, en plus des 80 000 dollars investis pour le reste de la procédure, elle a donné naissance à une fille, née sourde d’une oreille. Romi est parvenue par la suite à retrouver plus d’une dizaine de demi-frères et sœurs de sa fille. L’un est malentendant et un autre est né avec un bras en moins. Après avoir retrouvé le donneur grâce à un test ADN, celui-ci lui a révélé que sa sœur était atteinte de la même maladie que sa fille (cf. Un donneur de sperme transmet la maladie de Charcot-Marie-Tooth).

« Les antécédents médicaux qui m’ont été fournis ne correspondaient pas à la réalité de l’historique médical du donneur », s’insurge Romi. « Vous investissez de l’argent en pensant obtenir ce qui est promis, en vous fiant à une description précise du produit, puis des années plus tard, vous découvrez que ce n’était pas le cas », s’offusque la jeune femme. « Evidemment, à la fin, le résultat est que vous avez vos enfants, mais pour une telle somme, on devrait vous fournir des informations fiables et exactes. »

Le Colorado, un Etat à part

Aux Etats-Unis, le Colorado est devenu en 2022 le premier et le seul Etat à interdire l’anonymat pour les dons de gamètes, « garantissant aux enfants issus de dons le droit de connaître l’identité de leur donneur dès l’âge de 18 ans » (cf. Colorado : fin programmée de l’anonymat des donneurs de gamètes). Il s’agit aussi de la seule législation américaine à limiter le nombre de dons issus d’un même donneur. Un homme « ne pourra plus contribuer à plus de 25 familles », une femme est « limitée à six cycles de dons » (cf. Un donneur de sperme père sans le savoir de dizaines d’enfants : « Ca me tient éveillé la nuit. Je suis en thérapie »).

La loi du Colorado, qui fixe l’âge minimum des donneurs à 21 ans et « régule l’accès et la mise à jour de leurs antécédents médicaux », entrera en vigueur en janvier.

 

[1] « Les médicaments hormonaux et le prélèvement entraînent un gonflement excessif des ovaires, causant d’importantes douleurs abdominales, des difficultés respiratoires, des vomissements et une prise de poids rapide, pouvant nécessiter une hospitalisation. »

Source : Forbes, Alexandra S. Levine (17/10/2024)

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