Deux études sont parues mi-mars dans la revue Nature, publiées par deux équipes distinctes sur un même sujet : les chercheurs ont créé in vitro ce qu’ils ont nommé des « blastoïdes » humains, embryons humains à un stade précoce [1], sans passer par l’étape de la fécondation.
Les chercheurs ont utilisé des cellules souches de deux origines. Pour l’équipe américaine, dirigée par Jun Wu (Université du Texas), des cellules souches embryonnaires humaines agrégées à des cellules souches pluripotentes induites. Pour l’autre équipe, australienne, dirigée par José Polo (Université Monash), des cellules souches pluripotentes induites obtenues de cellules de peau adulte. Placées dans des « plaques en plastique creusées de nombreux micropuits », dans un milieu de culture précis, ces cellules « parviennent à former les trois lignées de cellules qui composent un authentique blastocyste ». Environ 20% des essais ont fonctionné.
Les « blastoïdes » obtenus ne sont pas viables à ce stade. Les chercheurs ont noté la présence de cellules de type indéterminé, et l’absence de « certains éléments qui viennent spécifiquement de l’interaction entre l’ovule et le spermatozoïde ».
N’ayant pas de statut légal, ces blastoïdes n’encourraient aucune restriction de recherches. Les scientifiques insistent sur le fait que ces modèles « ne sont pas des embryons à proprement parler ». Mais « si ces organismes sont dotés des cellules précurseurs des feuillets embryonnaires, il s’agit bien de fabrication d’embryons. Et c’est interdit. Il est interdit de fabriquer des embryons pour la recherche » rappelle Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme Lejeune [2]. Encore appelés « agrégation de cellules souches embryonnaires [ou d’IPS] avec des cellules précurseurs de tissu extra-embryonnaire », « modèles embryonnaires à usage scientifique » (MEUS), ces créations seraient utilisées par les chercheurs pour expérimenter des modifications génétiques, ou encore tester des traitements pour des laboratoires. Une justification « parfaitement inutile parce qu’on peut le faire sur d’autres modèles qui ne présentent aucune difficulté éthique » faire remarquer Jean-Marie Le Méné.
Les chercheurs ont mis fin à l’expérience « quatre jours après la mise en culture des blastoïdes, l’équivalent d’environ 10 jours de développement dans le cas d’une fécondation normale ». Depuis les années 70, les recommandations scientifiques de recherche sur l’embryon humain interdisent en effet de les cultiver in vitro au-delà de 14 jours. Les appels pour réviser cette « limite » se font de plus en plus pressants. L’ISSCR[3] aux Etats-Unis, doit publier de nouvelles recommandations « au printemps », qui devraient lever l’interdit. La Société internationale pour la recherche sur les cellules souches devrait également prendre position sur les modèles embryonnaires « en 2021 ». En France, le projet de loi bioéthique dans sa version initiale comportait l’autorisation de cultiver des embryons humains in vitro jusqu’à 21 jours.
« La PMA est responsable de ces dérives » analyse Jean-Marie Le Méné. Et le transhumanisme est à l’œuvre. Ces recherches concourent de fait à l’ « artificialisation de la procréation » : de même que « pour éviter les maladies, on fabriquera des embryons plus résistants », pour « éviter de procréer des imparfaits », on confiera la procréation à des techniciens.
[1] Le stade blastocyste correspond au développement de l’embryon humain à 6/7 jours après la fécondation. Il est formé d’environ 200 cellules.
[2] L’Incorrect, 22.03.2021 JEAN-MARIE LE MENÉ : « ILS VEULENT CRÉER UN POST-HUMAIN ENTRE L’HOMME ET LA MACHINE »
[3] International Society for Stem Cell Research