Vendredi 25 juin, la loi légalisant l’euthanasie est entrée en vigueur en Espagne, après son vote par le Parlement en mars (cf. L’Espagne légalise l’euthanasie et le suicide assisté). Le ministère de la Santé en « avait fait une priorité ».
« La loi reconnaît un nouveau droit, le droit à l’euthanasie », précise l’Institut européen de bioéthique. Et « tente de fonder ce nouveau droit sur d’autres droits constitutionnels, tels que le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique, le droit à la dignité humaine et le droit à l’autonomie », explique-t-il.
L’euthanasie pour être pratiquée devra être approuvée par deux médecins, et obtenir l’accord d’une commission d’évaluation. A ce jour, seules six régions sur dix-sept ont mis en place cette commission. Et « nombreux sont les médecins qui ont annoncé leur désaccord » (cf. Espagne : en Andalousie, les médecins s’opposent à la loi euthanasie)
Une loi controversée
Le parti Vox avait tenté un recours en inconstitutionnalité (cf. Espagne : recours en inconstitutionnalité contre la légalisation de l’euthanasie), pointant plusieurs violations du droit :
- « La nouvelle loi viole le droit à la vie tel qu’il est compris par la Cour Européenne des Droits de l’Homme et les précédents juridiques espagnols. »
- « Elle viole le droit constitutionnel à la vie tel que contenu dans l’article 15 de la Constitution espagnole. »
- « Elle ignore le devoir de l’État espagnol de protéger ses citoyens (articles 43, 49 et 50 de la Constitution), d’autant plus qu’il existe un traitement alternatif qui répond mieux au principe de proportionnalité : les soins palliatifs. »
- « Elle viole le droit à l’autonomie du patient, puisque les médecins peuvent initier eux-mêmes la procédure légale d’euthanasie si le patient n’a pas la capacité de décision, et ce sans qu’une autorisation judiciaire soit nécessaire. »
- « La loi représente une discrimination à l’égard des personnes handicapées, et accorde aux médecins des pouvoirs abusifs pour prendre des décisions quand il s’agit de ces personnes, et même pour sauter certaines étapes requises dans le processus légal. »
- « Elle présente certains défauts dans sa qualité de loi, car certains concepts importants sont définis de manière très vague et laissés à l’interprétation. »
- « La loi viole également le droit du médecin à l’objection de conscience de différentes manières, comme le fait que le médecin doit exprimer son objection par écrit, et que les autorités publiques conserveront un registre avec les noms des objecteurs. » (cf. Espagne : le Conseil Général des Médecins s’oppose à la création d’un registre des médecins objecteurs)
En mars, la Cour constitutionnelle du Portugal avait déclaré inconstitutionnelle la loi sur l’euthanasie (cf. Portugal : la loi sur l’euthanasie jugée inconstitutionnelle). Mais en Espagne, la Cour n’est pas tenue de statuer avant son entrée en vigueur. Sur la question de l’avortement, elle n’a pas donné de réponse au recours présenté il y a onze ans. Elle a pour le moment refusé de suspendre l’entrée en vigueur de la loi
Le début de la « pente glissante » ?
La Société espagnole de neurologie (SEN) a mis en garde contre l’impact que cette initiative législative pourrait avoir sur les patients atteints de maladies neurologiques. « Dans les pays qui ont approuvé l’euthanasie et/ou le suicide assisté, une augmentation progressive des demandes a été observée chez les patients atteints de maladies neurologiques et/ou psychiatriques », soulignent les neurologues. Des patients qui représentent « 15 à 20 % des demandes ».
Vendredi, l’Espagne est devenue le huitième pays au monde à légaliser le suicide assisté et l’euthanasie active. Elle a été précédée par les Pays-Bas (cf. Pays-Bas : forte hausse des euthanasies en 2020), la Belgique (cf. Belgique : malgré la légalisation, un tiers d’euthanasies non déclarées), le Luxembourg (cf. Au Luxembourg, l’euthanasie bientôt classée « mort naturelle » pour que les héritiers touchent la prime de l’assurance-vie), le Canada (cf. Canada : Le suicide assisté dope le don d’organes en Ontario ; Canada : un établissement pour personnes en fin de vie refuse de proposer l’aide médicale à mourir. Il perd son financement public), la Colombie (cf. En Colombie, la légalisation de l’euthanasie est rejetée à deux voix près), la Nouvelle-Zélande (cf. En Nouvelle Zélande, Doctor say No: 1500 médecins opposés à l’euthanasie, la loi est cependant votée par le Parlement), et certains Etats d’Australie (cf. L’euthanasie adoptée par le Parlement d’Australie Méridionale).
Sources : AFP (25/06/2021) ; Institut européen de bioéthique, Nouvelle loi espagnole sur l’euthanasie contestée devant la Cour Constitutionnelle à quelques jours de son entrée en vigueur (24/06/2021) ; rfi, François Musseau (25/06/2021) ; iSanidad (27/06/2021) – Photo : Pixabay