« Tuer ? C’est de cela dont il s’agit aujourd’hui. Derrière le vocabulaire cosmétique qui veut anesthésier la pensée, se camoufle une réalité : la violence du geste. » Dans une tribune pour le journal Le Figaro, deux réanimateurs et un médecin en soins palliatifs lancent un appel. Les porte-parole du collectif Convergence soignants-soignés ont été rejoints par « plus d’un millier de soignants ».
« Avec l’apparition de l’expression “euthanasie palliative” on ose même désormais prétendre que l’euthanasie ferait partie des soins palliatifs », dénoncent-ils. « Or ces deux pratiques sont antinomiques ; en les amalgamant à l’euthanasie, on dénature les soins palliatifs, au risque de ruiner la confiance du patient et de ses proches. » Alors qu’il s’agit de respecter « un fragile équilibre qui porte toute déontologie médicale digne de ce nom : d’un côté toujours soulager les patients, à défaut de les guérir ; et de l’autre, ne jamais les tuer ».
Au contraire, comme l’affirme le philosophe Jacques Ricot[1] : « L’euthanasie ne complète pas l’accompagnement, elle le supprime. Elle ne succède pas aux soins palliatifs, elle les interrompt. Elle ne soulage pas les patients, elle les supprime. »
Des risques pour les médecins
Lors des auditions, le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) s’était opposé à cette proposition de loi. « Nous ne voyons pas le médecin dans le rôle de celui qui va donner la mort », affirme le Dr Anne-Marie Trarieux, présidente de la section éthique et déontologie de l’Ordre. Et la clause de conscience introduite dans le texte est « insuffisante ».
De son côté, le Dr Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) craint les possibles « sanctions financières pour les établissements où tous les médecins feraient tous jouer leur clause de conscience ».
La Belgique, un modèle ?
« C’est déformer la réalité également que de soutenir que la légalisation de l’euthanasie en Belgique a été de pair avec le développement des soins palliatifs », affirment les députés LR dans une autre tribune pour le journal Le Figaro. « On constate au contraire une saturation des unités existantes, une réduction des durées de séjour, une création d’unités de soins palliatifs hors de ce cadre, un manque de formation des soignants, sans parler d’une substitution progressive des soins palliatifs par la démarche euthanasique », assurent-ils.
Et diverses « pratiques déviantes » sont recensées : « Interprétation très extensive du champ des souffrances psychiques, délais non respectés, défaut de consultation d’un second médecin, euthanasie sur des personnes ne l’ayant pas demandée, absence de déclarations d’euthanasie dans un tiers des cas, autocontrôle des médecins ». « C’est ainsi que l’euthanasie de deux frères jumeaux de 45 ans nés sourds ou celle d’une personne de 44 ans souffrant d’anorexie sont passées sous silence », dénoncent les députés.
[1] « La vie humaine et la médecine », p. 237-244 dans Esprit, 8-9, août-septembre 2001
Sources : Le Figaro, Agnès Leclair (07/04/2021), Tribune collective (07/04/2021), Olivier Jonquet, Marie-Béatrice Nogier et Jean Fontant (07/04/2021)