Euthanasie : « l’impossibilité de l’encadrement inhérente à la loi même »

3 Fév, 2023

Dans un article pour le journal Marianne, le Dr Pascale Favre, co-auteur de Fin de vie : peut-on choisir sa mort ?, analyse le « modèle » belge régulièrement mis en avant dans le débat sur la fin de vie.

La particularité du « modèle français »

« Présenter la Belgique comme un “modèle”, c’est tout d’abord oublier que la France dispose de lois particulières qui n’existent pas ailleurs », estime Pascale Favre.

En 2005, la France condamnait l’obstination déraisonnable avec la loi Leonetti. Onze ans plus tard, elle « encadrait » la pratique de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès en promulguant la loi Claeys-Leonetti.

Une sédation qui reste « une mesure exceptionnelle », précise le médecin. Moins de 1% des patients hospitalisés en soins palliatifs s’y soumettent. Et, en tout état de cause, l’objectif reste « le confort du patient, pas son décès ». Un décès qui doit toutefois être « imminent » pour que la sédation soit « licite ».

Les dérives belges

Une fois l’euthanasie dépénalisée, « très progressivement l’exceptionnel se banalise », analyse Pascale Favre. Car « l’impossibilité de l’encadrement » est « inhérente à la loi même », affirme-t-elle.

En Belgique, le nombre d’euthanasies augmente de « près de 10 % par an », passant de 1133 en 2011 à 2699 en 2021. Désormais des « personnes vieillissantes porteuses de polypathologies (cécité, surdité, douleurs articulaires…) » peuvent être euthanasiées. Les mineurs également, depuis 2014.

En outre, les « actes illégaux » demeurent, voire progressent « dès lors que l’interdit de tuer est supprimé ».

Le cas particulier pris pour généralité

« Présenter la Belgique comme un “modèle”, c’est trop souvent encore tenir un discours édifié sur quelques situations individuelles difficiles, suscitant des réactions émotionnelles légitimes mais oublieuses de la pluralité des enjeux à l’échelle collective aussi », déplore Pascale Favre. « La question de la réalisation pratique de l’acte euthanasique est peu abordée », regrette-t-elle.

En effet, « administrer la mort n’est pas un soin et l’immense majorité des soignants s’y refuse ». Ainsi, alors que près de 70 % des praticiens canadiens en acceptaient le principe avant le vote de la loi, à présent moins de 2 % pratiquent ces actes.

Le paravent des soins palliatifs

« La question de la prise en charge de la personne en fin de vie (…) se veut réglée par quelques bonnes paroles vantant la nécessité de développer les soins palliatifs. » Or, l’obligation légale existe depuis 1999, mais est « toujours en attente de réalisation ».

Et, « contrairement à des allégations souvent répétées », les Français sont peu nombreux à se rendre en Belgique pour être euthanasiés. Selon la Commission de contrôle belge, seuls 75 étrangers, toutes nationalités confondues, ont été euthanasiés en 2020 et 2021.

Mais « présenter la Belgique comme un “modèle” c’est surtout réduire la question de la finitude à celle d’une maîtrise des conditions de la mort qui en ferait disparaître le tragique », juge Pascale Favre. « La Belgique offre un premier élément à notre réflexion, elle parle sans détour de l’euthanasie, estime-t-elle ; nous devrions respecter cette exigence de clarté en condamnant sans appel l’expression trompeuse d’”aide active à mourir” ».

 

Source : Marianne, Pascale Favre (31/01/2023) – Photo : iStock

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