Euthanasie : trois ans après la légalisation, un premier bilan sur la loi espagnole

28 Mai, 2024

En mars 2021, l’Espagne est devenue le quatrième pays européen et le sixième au monde à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté (cf. Espagne : « le droit à l’euthanasie » entre en vigueur ; Espagne : la Cour constitutionnelle valide la loi euthanasie). Les données du ministère de la Santé indiquent que 749 demandes d’euthanasie ont été reçues entre 2021 et 2022 [1] et, parmi ces demandes, 363 ont été réalisées.

Les personnes y ayant eu recours étaient âgées en moyenne de 67,8 ans. Il s’agissait dans 55% des cas d’hommes et dans 45% de femmes. La plupart d’entre eux étant atteints de maladies neurologiques ou de cancers (cf. Euthanasie : l’Espagne dresse le bilan des six premiers moisEuthanasie : L’Espagne dresse un premier bilan).

La procédure espagnole

La loi espagnole autorise les personnes majeures éprouvant « des souffrances physiques ou psychiques constantes et intolérables provoquées par une maladie grave et incurable avec fragilité progressive et pronostic de vie limité » à recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté. Elle ouvre également l’accès aux personnes souffrant d’une « affection grave, chronique provoquant des limitations persistantes de l’activité quotidienne sans possibilité d’amélioration appréciable » (cf. Espagne : lourdement handicapé et euthanasié à 33 ans ; Espagne : une mère se bat pour empêcher l’euthanasie de sa fille).

La personne qui souhaite recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté doit faire une demande écrite à deux reprises sur une période de quinze jours à un médecin qu’elle choisit, qui peut être son médecin traitant. Le praticien doit informer son patient sur les traitements disponibles et la possibilité d’accéder aux soins palliatifs (cf. Espagne : une euthanasie pour dépression refusée en raison des possibilités d’amélioration ; Espagne : la justice rejette la demande d’euthanasie d’une patiente « fatiguée de vivre »). L’avis d’un médecin spécialiste est ensuite requis avant que le dossier ne soit transmis à la Commission de garantie et d’évaluation de la loi, qui autorise ou refuse l’accès à l’euthanasie. Un organe présent dans chacune des 17 régions d’Espagne.

Le patient peut également inscrire sa volonté d’être euthanasié dans ses directives anticipées (cf. Espagne : l’euthanasie intégrée dans les directives anticipées). Dans ce cas, sa demande est aussi examinée par la Commission.

Un « changement important » dans la relation médecin-patient

Trois ans après la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, les professionnels de santé notent une importante disparité territoriale. Alors que 240 demandes ont été enregistrées en Catalogne, il y en a eu 74 à Madrid et 49 en Andalousie, la région la plus peuplée. Une différence qui pourrait s’expliquer par la culture plus libérale en Catalogne qu’à Madrid.

Concernant les effets de la loi, Manuel Martínez-Sellés, cardiologue à l’hôpital Gregorio Marañón (Madrid) et président du Collège des médecins, constate un « changement important » dans la relation médecin-patient (cf. Espagne : les médecins objecteurs dénoncent les « listes noires »). « Avant, un patient qui se présentait dans un hôpital ou un centre de santé en Espagne avait les garanties que tout serait fait pour son bien. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Il y a de la peur du côté des patients, et je pense que cette peur est justifiée » regrette-t-il (cf. Espagne : le Conseil Général des Médecins s’oppose à la création d’un registre des médecins objecteurs).

Il déplore également le manque d’investissements pour les soins palliatifs soulignant que la loi sur l’euthanasie ne s’est pas accompagnée d’une législation nationale sur les soins palliatifs malgré la demande des professionnels de santé. Enfin, Manuel Martínez-Sellés craint que la loi sur la fin de vie n’ouvre la porte à une « situation incontrôlable », en octroyant l’euthanasie aux mineurs ou aux patients atteints d’un trouble psychiatrique.

 

[1] NDLR : les chiffres ne sont pas encore connus pour l’année 2023.

Source : La Croix, Esther Serrajordia (27/05/2024)

DERNIERES ACTUALITES
Partager cet article
[supsystic-social-sharing id='1']

Toute l’actualité bioéthique
chez vous, gratuitement

Cochez vos choix :

En validant ce formulaire, j’accepte de recevoir les informations du site Gènéthique par email et accepte la politique de confidentialité