Renée Charron, auteur du livre « Un jour, j’ai porté le monde. Ma traversée de la schizophrénie », déclare avoir été « sous le choc » quand elle a appris que le Québec souhaitait élargir l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de troubles mentaux graves (cf. Canada : l’aide à mourir toujours plus accessible). Et « la pause » décidée par le gouvernement québécois (cf. Euthanasie au Québec : une consultation avant de l’élargir aux personnes atteintes de maladie mentale ?) la rassure peu car elle « comprend que la possibilité que cette loi soit un jour adoptée est encore présente ». Souffrant de « schizophrénie affective », elle écrit pour « la personne diagnostiquée comme étant schizophrène, chez elle, isolée, en train de vivre un moment souffrant dans sa vie, et qui apprend que contrairement au reste de la population, on lui lance à elle ce message : le suicide est une option ». « Celle pour qui la simple annonce de cette loi, qu’elle soit adoptée un jour ou non, a eu l’effet d’une flèche au cœur. »
« J’ai le droit de parler, vu que je suis passée par là ? » s’interroge Renée Charron. Et elle témoigne : « l’insupportable. Je l’ai traversé ». « Ce qui m’a sauvée, ce sont des mains tendues, des mains qui n’allaient pas me laisser tomber ». Les « messages qui signifiaient : tu es indispensable. Sans toi, ce ne serait jamais pareil. Et je tiens tellement à toi que j’accepte la souffrance, pour un instant, pour que tu puisses rester avec moi… Avec nous. »
Pour Renée Charron, « c’est probablement le désespoir qui a fait qu’on a ouvert une telle possibilité d’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de troubles mentaux », car l’« on ne croit pas au rétablissement », alors que « pourtant, il existe des moyens d’aider les gens à mieux vivre avec les phénomènes sensoriels et leur douleur ». Et elle regrette : « On a perdu de vue que les personnes atteintes ont les mêmes besoins que les gens en général ».
Renée Charron ne prétend pas être « la voix des personnes touchées par des psychoses », mais celle « de ceux qui, peu importe l’état de leur santé mentale, ont été bouleversés de voir la société retirer sa main tendue ». « Je suis la voix de ceux qui tendent la main, et qui voudront toujours le faire », déclare-t-elle. Aujourd’hui elle a compris qu’ « au-delà de ce que j’accomplis ou non, je mérite ma place dans la société. Que chacun fleurit à son heure et à sa manière ». Et elle interpelle : « A toi qui es seul chez toi et qui penses que la société t’a abandonné, que tu ne vaux pas qu’on te tende la main, n’en crois rien. Tu es indispensable ».
Le Devoir, Renée Charron (30/01/2020)