Dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche (JDD), 12 organisations soignantes [1] s’inquiètent des conséquences d’une légalisation de l’euthanasie sur la relation de soin. Elles répondent aux annonces faites par Agnès Firmin-Le Bodo dans son entretien au JDD (cf. Fin de vie : Agnès Firmin le Bodo esquisse le futur projet de loi).
La perspective d’un texte unique sur la fin de vie « instaure une grande confusion » alertent-elles. « Cela viendrait présenter la mort provoquée comme le complément de l’offre de soin, alors qu’il s’agit en réalité d’un acte qui ne relève pas du même registre » (cf. Fin de vie : « ne dévoyons pas les soins palliatifs »).
« Guérir parfois, soulager souvent et accompagner toujours »
« Dans les situations de fragilité, c’est le soin qui doit d’abord s’exprimer », insistent les soignants. « Les soignants entendent la détresse, la peine et parfois l’envie de mourir. Ils tentent de comprendre, de soulager, de rassurer. Cette démarche est un élément fondamental de la relation de soin » rappellent-ils.
La relation de soin est une alliance asymétrique entre deux personnes. « L’une confie son corps, et parfois plus, à une autre qui s’engage à tout mettre en œuvre pour guérir parfois, soulager souvent et accompagner toujours » (cf. La technique au détriment de la relation patient-soignant ?).
Le meilleur est toujours recherché et pratiqué
C’est aussi un acte de « confiance inouï ». « Celui qui est soigné porte en lui l’espoir que le meilleur est toujours recherché et pratiqué pour son bien. Celui qui soigne et qui accepte d’être le dépositaire de cette confiance porte quant à lui une responsabilité immense ». « La qualité de cette relation ne peut faire l’objet d’aucun soupçon » soulignent les soignants.
Le dialogue qui s’engage avec celui qui exprime le « souhait de mourir » ne doit pas être « faussé par le fait que celui qui entend ce cri de souffrance disposerait du droit de vie ou de mort, de la possibilité de dire oui ou non » (cf. Chez les personnes âgées, le désir de mourir est souvent transitoire).
La loi du plus faible
Légaliser l’euthanasie alors que le système de santé souffre est dangereux avertissent les soignants. « Rien ni personne ne pourra garantir que la liberté de choix du patient sera respectée ».
Refusant la toute-puissance que certains voudraient donner au patient, les organisations soignantes se positionnent « pour une société qui reconnaisse la difficulté du compagnonnage quotidien avec la mort ». Choisissant de s’engager « pour la loi du plus faible », elles appellent à « prendre en compte la vulnérabilité, en offrant à tous des conditions de soin et d’accompagnement décentes » (cf. « La mort ne sera jamais la solution. La solution c’est la relation »).
[1] Les signataires sont : Ivan Krakowski pour l’AFSOS (Association Francophone des Soins Oncologiques de Support) , Sophie Chrétien pour l’ANFIPA (Association Nationale Française des Infirmier(e)s en Pratique Avancée), Jean-Louis Samzun pour CLAROMED (Association pour la Clarification du Rôle du Médecin dans le contexte des fins de vie), Claude Jeandel pour le CNPG ( Conseil National Professionnel de Gériatrie), Evelyne Malaquin-Pavan pour le CNPI (Conseil National Professionnel Infirmier), Elisabeth Hubert pour la FNEHAD (Fédération Nationale des Établissements d’Hospitalisation à Domicile), Gaël Durel pour MCOOR (Association Nationale des Médecins Coordonnateurs en EHPAD et du Secteur médico-social), Claire Fourcade pour la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs), Luc Frimat pour la SFNDT (Société Francophone de Néphrologie Dialyse et Transplantation), Manuel Rodriguès pour la SFC (Société Française du Cancer), Sophie Moulias pour la SFGG (Société Française de Gériatrie et Gérontologie) et Thierry Amouroux pour le SNPI (Syndicat National des Professionnels Infirmiers)
Source : JDD (27/05/2023)