Fin de vie : l’« obstination déraisonnable » d’Olivier Falorni

22 Juil, 2024

Vendredi 19 juillet, Olivier Falorni, député Les Démocrates de Charente-Maritime, a annoncé le dépôt de « la première proposition de loi de la 17ème législature ». Le texte reprend le projet de loi relatif à la fin de vie dont l’examen a été interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale (cf. La dissolution de l’Assemblée dissoudra-t-elle aussi le projet de loi sur la fin de vie ?).

Après une proposition de loi en 2021 (cf. La PPL Falorni tombe en désuétude – le spectacle exagéré des promoteurs de l’euthanasie), puis avoir été rapporteur de la mission d’évaluation de la loi ClaeysLeonetti (cf. Clap de fin pour la mission parlementaire d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti) et du précédent projet de loi (cf. Fin de vie : l’examen des amendements débute, les débats sont lancés), Olivier Falorni s’entête. « C’est de l’obstination déraisonnable », ironise Laurent Frémont, enseignant en droit constitutionnel à Sciences Po et cofondateur du collectif Tenir ta main, sur X (cf. Fin de vie : « nul pays au monde ne prévoit un tel laxisme qui ouvre la porte à toutes les transgressions imaginables »).

Poursuivre des débats interrompus ?

« Ce texte vise à poursuivre le chemin brutalement interrompu par la dissolution », écrit le député sur X. Ainsi, il reprend « intégralement le texte voté par la commission ainsi que tous les amendements adoptés en séance », affirme-t-il.

Les députés avaient voté jusqu’à l’article du 6 du projet de loi gouvernemental, et entamé les discussions sur l’article 7 dans un hémicycle qui semblait à bout de souffle. Le texte n’ayant pas été adopté en première lecture, la proposition de loi devra recommencer son chemin depuis son examen en commission. Pour l’heure, elle doit encore être enregistrée formellement par la présidence de l’Assemblée nationale. Une validation qui pourrait intervenir en début de semaine.

Une Assemblée favorable à l’« aide à mourir » ?

L’Assemblée qui se penchera sur le « nouveau » texte est sensiblement différente. L’« aide à mourir » pourrait avoir plus de partisans sur ses bancs. Ainsi, dans un post sur X [1], la journaliste politique Eugénie Bastié anticipait que trois sujets de réforme pourraient réunir une « coalition allant d’Horizons à LFI modéré ». La fin de vie étant l’un d’entre eux.

Les opposants à l’euthanasie se trouvent majoritairement à droite de l’Hémicycle (cf. Projet de loi sur la fin de vie : « une manipulation sémantique, juridique et politique »). Récemment, Marine Le Pen, chef de file de l’un des trois « blocs » constitué par les dernières élections considérait que la fin de vie n’est pas « une urgence absolue par rapport aux préoccupations principales qui sont celles des Français »[2]. Mais en matière sociétale, le groupe RN ne devrait pas donner de consigne de vote.

A gauche, le départ de Pierre Dharréville, ancien député communiste, sera remarqué (cf. Le débat arrive sur l’« aide à mourir » : « C’est l’ensemble du corps social qui est ici convoqué »). Il était en effet l’un des rares de ce bord politique à porter la voix des plus vulnérables sur ce sujet. Mais les alertes qu’il n’a cessé de lancer auront peut-être été entendues par certains. En effet, dans un entretien pour le journal Marianne [3], Jérôme Guedj, député de l’Essonne (Socialistes et apparentés), déclarait avoir été « inquiété de voir qu’on renonçait à ce droit de bien vieillir en avançant sur l’aide à mourir », faisant référence à l’abandon par le Gouvernement de la loi « grand âge » (cf. « Bien vieillir » : le texte adopté par les députés, à quand la loi « grand âge » ?). « De fait, si nous ne garantissons pas un accompagnement digne pour les plus âgés, on laisse entendre à ces derniers qu’il est possible d’utiliser le suicide assisté comme une échappatoire à des situations maltraitantes » (cf. Ehpad : « des ruptures anthropologiques inédites » lors de la crise du Covid-19).

Une priorité côté législatif et exécutif ?

L’avocat et essayiste Erwan de Morhedec dénonce quant à lui l’hypocrisie d’Olivier Falorni qui, dans un entretien pour le journal Libération [4], déclarait : « Ca peut être un beau pied de nez de l’histoire, après tant d’années où on nous a présenté ce texte comme un facteur de division, que cela devienne un outil de rassemblement. C’est l’un des rares textes qui pourraient être votés grâce à une majorité sur le fond et pas par un accord d’appareil. »

Pour l’essayiste, « si pied de nez il y a, il est pour les électeurs d’Olivier Falorni ». En effet, « à peine élu grâce à un front républicain, il n’a rien de plus pressé que de se “rassembler” avec l’extrême-droite pour faire passer l’euthanasie », pointe-t-il, dénonçant un texte qui est également « le tombeau des principes ».

Dans un climat politique des plus chahutés, le Gouvernement reprendra-t-il à son compte cette initiative ? Emmanuel Macron avait déclaré le souhaiter (cf. Fin de vie : Emmanuel Macron souhaite que l’examen du projet de loi soit repris après les législatives), tout comme Gabriel Attal, désormais Premier ministre démissionnaire et chef de file du groupe Ensemble pour la République (cf. Législatives : l’« aide à mourir » reste une priorité pour le camp présidentiel). Pourtant, n’y a-t-il pas d’autres projets, d’autres priorités, pour « rassembler » les Français ?

 

[1] daté du 4/07/2024

[2] BFMTV, Texte sur la fin de vie: “Ça n’est pas une urgence absolue”, affirme Marine Le Pen (17/07/2024)

[3] Marianne, Jérôme Guedj : “Le sujet de l’Ehpad est l’un des rares textes transpartisans que nous pourrions voter à l’Assemblée”, Propos recueillis par Violaine des Courières (16/07/2024)

[4] Libération, Comment la loi sur la fin de vie pourrait renaître à l’Assemblée, Jean-Baptiste Daoulas et Chez Pol (18/07/2024)

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