Daté du 21 avril, un avis de la Conférence nationale de santé [1], intitulé « Pour un meilleur accompagnement des fins de vie », a été rendu public le 5 mai dernier. Cet avis fait suite à une auto-saisine en juillet 2022, à laquelle a succédé une saisine d’Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, le 13 février 2023. Un avis adopté en « procédure d’urgence », « compte tenu du calendrier contraint de remise du document » à la ministre.
Trois « convictions »
« La fin de vie concerne chacun d’entre nous en tant qu’être humain. » La CNS tient à rappeler cette « évidence » en soulignant la diversité des dimensions de « la problématique des fins de vie » : « éthiques, sociétales, médicales et organisationnelles ».
Au terme de ses travaux, qui se sont aussi appuyés sur l’organisation de « débats territoriaux », la Conférence s’est forgé trois « convictions » : le constat de « multiples inégalités », le besoin de ne pas seulement se reposer sur « la médicalisation et l’implication des professionnels », et l’impératif de ne pas réduire le sujet à « la possibilité d’une aide active à mourir ».
Le débat monopolisé par l’« aide active à mourir »
« Au cours des derniers mois, le débat sur les fins de vie s’est focalisé sur la possibilité d’introduire dans le droit français la possibilité d’une aide active à mourir, dans le cadre d’un suicide assisté ou d’une euthanasie », regrette la CNS, estimant toutefois ce débat « légitime » afin de « déterminer comment tenir compte des situations individuelles et exceptionnelles insuffisamment prises en charge ». Reprenant ainsi les termes de la question posée à la Convention citoyenne.
« Néanmoins, dans une logique d’universalité, il n’appartient pas aux instances locales d’en fixer légitimement le cadre, les modalités, les limites dans le respect des consciences – notamment des professionnels de santé – et des valeurs humanistes de la République. C’est avant tout la responsabilité de la représentation nationale », rappelle la Conférence à la veille du dépôt annoncé d’un projet de loi. Comme l’a rappelé Agnès Firmin Le Bodo devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) mardi dernier (cf. Fin de vie : nouvel avis du CESE en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté).
« Si le législateur décidait de légiférer sur l’aide active à mourir, un certain nombre de critères éthiques devrait être respecté », estime la CNS, reprenant cette fois la posture du CCNE. « Il serait éthiquement indispensable d’avoir la possibilité de bénéficier préalablement d’un accompagnement de qualité permettant l’exercice d’un véritable libre choix et non pas d’un choix sous contrainte ou par défaut », veut-elle rassurer.
« Réhumaniser » la mort ?
La Conférence appelle à « rendre plus humaine cette ultime période de la vie ». Un « réinvestissement “humain” » « du même ordre que celui observé en début de vie avec la naissance ». « La médicalisation de la grossesse et de l’accouchement, au demeurant très bénéfique pour la maman et le bébé, ne peut être décorrélée des dimensions non médicales de la maternité et de la paternité », souligne l’instance. Essentiels sont le lien avec les proches et l’accompagnement, « pour le bébé… comme pour la personne qui va mourir », insiste-t-elle.
Bien sûr « il ne s’agit pas de se priver des soins médicaux et d’accompagnement notamment palliatifs mais en quelque sorte de les placer à leur juste place et de les transcender par cette réhumanisation », explique la CNS, appelant à « un réinvestissement sociétal dans l’accompagnement des fins de vie ». « Ce qui nécessite une évolution tant des soignants que des non soignants dans le cadre d’une relation de la société à la mort qui doit aussi évoluer », juge-t-elle.
Une voix dissonante ?
L’instance propose une « démarche de construction d’un plan national pour une meilleure prise en charge des fins de vie » en 4 phases : « 1°) faire un état des lieux des situations des fins de vie dans chacune des régions et des territoires, 2°) identifier collégialement des objectifs concrets et réalistes d’amélioration, 3°) mobiliser les populations et les acteurs de la santé pour réinvestir humainement les fins de vie, 4°) réunir la CNS pour un état des lieux annuel des plans régionaux ».
Ainsi les avis se suivent et se ressemblent (cf. Avis du CCNE : en marche vers l’« aide active à mourir » ?, Un rapport orienté vers l’« aide active à mourir » ?, Fin de vie : nouvel avis du CESE en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté) peu ou prou. Derrière le paravent de l’accompagnement et la promotion des soins palliatifs (cf. Plan décennal pour les soins palliatifs : encore des promesses ?), l’« ouverture » à l’« aide médicale à mourir » parée de « critères éthiques à respecter ». L’exécutif serait-il encore à la recherche de justifications sur le sujet ?
[1] « Lieu de concertation sur les questions de santé, la Conférence nationale de santé (CNS) est un organisme consultatif placé auprès du ministre chargé de la santé » (source : site internet du ministère). Pour sa mandature 2020-2025, elle compte 97 membres titulaires et 97 suppléants. L’instance est organisée en 5 collèges :
– Collège 1 : des représentants des territoires et des conférences régionales de la santé et de l’autonomie (22 membres)
– Collège 2 : des représentants des associations d’usagers du système de santé, de personnes concernées des secteurs médico-social et social, des proches aidants, et des associations de protection de l’environnement (17 membres)
– Collège 3 : des partenaires sociaux et des acteurs de la protection sociale (17 membres)
– Collège 4 : des acteurs de la prévention, de l’observation en santé, de la recherche et du numérique en santé (16 membres)
– Collège 5 : des offreurs des services de santé et des industries des produits de santé (25 membres)