Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie

3 Avr, 2023

La Convention citoyenne tire sa révérence. Sans surprise, elle s’est prononcée « majoritairement »[1] en faveur de l’« aide active à mourir ». Modalité, selon elle, « la plus adaptée pour respecter la liberté de choix des citoyens, combler les insuffisances du cadre légal actuel, notamment les limites de la sédation profonde et continue et mettre fin aux situations d’hypocrisie constatées ». Le rapport a été adopté par 162 des 176 votants ce dimanche.

Les réactions ne se sont pas fait attendre. Olivier Falorni qui, mercredi dernier, remettait son rapport d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti (cf. Un rapport orienté vers l’« aide active à mourir » ?), a réagi sur twitter : « La convention citoyenne a exprimé sa volonté suite à un travail exceptionnel de réflexion et d’échanges : 9 sessions, 27 jours de débats approfondis. Cet avis, qui recoupe toutes les enquêtes d’opinion, doit être entendu et nous amener à agir. Ici et maintenant. » Le député tient sans doute prête la proposition de loi dont il était parvenu à faire voter l’article 1 le 8 avril 2021 (cf. La PPL Falorni tombe en désuétude – le spectacle exagéré des promoteurs de l’euthanasie).

Des modalités qui restent à définir

Les conventionnels se sont accordés pour la plupart sur le principe général, plébiscitant en majorité euthanasie et suicide assisté. Mais, après avoir discuté 19 « modèles », pas sur les détails. Les mineurs seront-ils concernés ? Quelles conditions d’accès ? Les citoyens n’ont pas tranché.

Ils mettent l’accent sur le discernement qui « doit être systématiquement pris en compte et analysé, de façon à s’assurer de la volonté libre et éclairée du patient ». Mais ils estiment que ce discernement « peut être exprimé de façon directe ou indirecte, via les directives anticipées ou la personne de confiance ». Un consentement « indirect » est-il encore un consentement ? (cf. Pays-Bas : une femme « euthanasiée contre sa volonté »)

Bien sûr ils évoquent la mise en place d’une « commission de suivi et de contrôle » (cf. Euthanasie : Une première condamnation de la Belgique par une juridiction internationale). Et d’une clause de conscience pour les soignants, même si 22% des conventionnels n’en voyaient pas l’utilité.

Seul consensus : développer les soins palliatifs

« Notre système de santé est dans une situation alarmante », pointent les participants, rappelant qu’il y a des « inégalités d’accès aux soins palliatifs sur le territoire ».

Dans un communiqué, 14 organisations de soignants « saluent les propositions effectuées en faveur du développement de l’offre de soins au service des personnes en fin de vie ». Les conventionnels ont notamment recommandé d’inscrire dans la loi « un droit opposable et universel à l’accompagnement à la fin de vie et aux soins palliatifs ». Le droit aux soins palliatifs existe dans la loi depuis 1999 (cf. Euthanasie : « la ligne d’arrivée de cette course à l’émancipation, c’est l’isolement et la solitude »). Les épithètes auront-ils une portée plus que décorative ?

Dans 10 ans, « j’espère des centres palliatifs dans tout le territoire pour tout le monde », déclare une conventionnelle. « J’espère pour tous les malades qu’ils soient accompagnés par leurs proches, par les médecins, j’espère qu’il n’y aura pas de dérives. » Car elles sont déjà en ligne de mire.

Dans leur communiqué, les soignants rappellent leur opposition à l’« aide active à mourir » : « La légalisation d’une forme de mort médicalement administrée reviendrait à subvertir la notion même de soin ». Une opposition qu’ils avaient déjà exprimée clairement, et massivement (cf. 800.000 soignants s’opposent à l’euthanasie).

Car « une telle évolution pourrait s’avérer être un signal très négatif donné aux personnes les plus vulnérables de notre société et à leur entourage, alertent-ils : enfants, personnes dépendantes, personnes présentant des troubles cognitifs, personnes présentant des fragilités psychologiques ou encore personnes socialement ou économiquement vulnérables » (cf. « Nous avons ouvert la voie à une euthanasie qui virera sans le dire à la modalité de gestion du grand âge »). Une « mise en garde » simplement fondée sur les observations de l’étranger, notent-ils (cf. L’euthanasie en Belgique, ou le véritable contre-modèle à proscrire; Canada : l’élargissement sans limite de l’« aide médicale à mourir »; Deux sœurs « en parfaite santé » se suicident en Suisse).

La fin d’un « exercice démocratique » ?

« Nos constats et nos propositions sont issus d’un exercice démocratique », affirment les rapporteurs de la Convention. « Nous avons croisés nos regards », « nous avons entendu et questionné près de 60 experts et personnalités », se félicitent-ils. Mais l’exercice n’est-il pas resté trop théorique ?

Malgré les demandes réitérées, les débats seront restés cantonnés à l’hémicycle du CESE. Loin des lits des patients, loin de leur entourage, loin des soignants. Ce qui a transparu lors de la session précédente, quand les conventionnels validaient une disposition relative au suicide assisté de personnes inconscientes. Impossible par définition, comment parviendraient-elles à s’administrer à elles-mêmes le produit létal ? (cf. La Convention citoyenne dans la dernière ligne droite)

Thierry Beaudet, président du CESE, conclut : « Libres, vous l’avez été », « cette convention a été pluraliste, libre, ouverte » (cf. Le Président de la Mutualité française réclame l’euthanasie). Un avis pourtant contesté au sein des participants : « mon sentiment est que la minorité a été écrasée par la majorité », témoigne une conventionnelle. « Je n’ai pas senti beaucoup de solidarité, indique-t-elle, je me suis sentie exclue dans cette convention. »

Après la Convention, une loi ?

« Abréger indûment l’agonie est à la fois impie (pour ceux que ça concerne) et immoral (pour tout le monde) : voilà ce qu’ont pensé toutes les civilisations, les religions, les cultures qui nous ont précédé ; voilà ce qu’un prétendu progressisme s’apprête à détruire », dénonce Michel Houellebecq dans une tribune publiée par le Figaro [2].

Le président Emmanuel Macron recevait les conventionnels ce lundi. Il aurait eu des doutes, des doutes bien vite dissipés. Le président a en effet annoncé vouloir un projet de loi « d’ici la fin de l’été ». Un texte qui doit être élaboré avec « toutes les parties prenantes », « en lien avec les parlementaires » et « sur la base des conclusions » de la Convention citoyenne. Pas après pas, la France se met en marche vers la légalisation de la mort sur ordonnance.

 

[1] 75,6% des votants

[2] Le Figaro, Michel Houellebecq: «Euthanasie, bienvenue dans le monde de Soleil vert !» (02/04/2023)

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