Le confinement dans les EHPAD était « indispensable » durant la crise du Covid. Cependant, Damien Le Guay, philosophe, président du Comité National d’Ethique du Funéraire, dénonce « une défaillance du système » qui a rompu les liens sociaux avec les familles et les autres résidents, durant une longue période. Or, ces liens constituent bien souvent la « raison de vivre » des personnes âgées. Nous avons assisté à une « primauté de la raison hygiéniste » en voulant maintenir la vie biologique, « au détriment de la raison de vivre » (cf. Covid-19 : une « révolution sanitariste » ?), « une forme d’incompréhension et d’aveuglement anthropologique quant aux raisons des uns et des autres de se maintenir en vie ».
La crainte de la vieillesse
Pour le philosophe, « le troisième âge n’a plus complètement sa place dans la société ». Alors que « la vie active » est valorisée, « la vieillesse est considérée comme une forme d’obsolescence des personnes ». De plus, la politique actuelle montre que « nous ne sommes pas complètement dans cette urgence du troisième âge qui mériterait que l’on s’y intéresse plus » (cf. Prévenir pour mieux vieillir : le rapport « Grand âge et autonomie » du ministère de la santé). Enfin, notre société moderne relègue les personnes âgées dans les EHPAD, qui « ne sont pas des lieux de vie », à l’extérieur des villes et des familles. « Elles sont essentiellement entre elles » (cf. Confinement des résidents d’EHPAD : le Conseil d’Etat suspend l’interdiction de sortie).
Notre espérance de vie a augmenté grâce aux progrès de la médecine, mais, s’accompagne de déficiences intellectuelles, troubles cognitifs associés au grand âge « qui n’existaient pas avant » et que nous ne savons pas soigner. Alors qu’avant on mourait plus jeune, aujourd’hui nous avons peur de ces maladies dégénératives du cerveau. L’euthanasie, qui risque d’arriver en France, « est comme une réponse à des progrès médicaux » assez puissants pour maintenir « les corps sans le cerveau ».
« La peur ancestrale » de la mort existe toujours alors que « le bouclier symbolique de la religion ne fonctionne plus comme il a fonctionné ».
Accompagnement des personnes en fin de vie et deuil
Pendant la crise du Covid, nous avons eu de « vrais manquements » sur la fin de vie et le deuil. Aujourd’hui, « il faut avoir une vraie réflexion pour faire en sorte que l’accès aux personnes en fin de vie ou aux personnes mortes soit un droit inaliénable, et qui s’opposent à toutes les autres formes de considérations ». Des réponses juridiques vont être mises en place, afin de faire évoluer la règlementation face à l’épidémie (cf. Ehpad et hôpitaux : les sénateurs créent un droit opposable aux visites).
Source : Atlantico avec Damien Le Guay (02/11/2021)